Le Débarquement – Vérités et légendes, de Nicolas Aubin

On est en pleine saison de commémoration du Débarquement en Normandie. C’est donc le moment pour revoir quelques classiques cinématographiques ou pour lire un peu sur le sujet. Les éditeurs historiques n’ont évidemment pas loupé le coche. Si j’ai fait l’acquisition du très épais De Sable et d’Acier, je m’en réserve la lecture pour un peu plus tard. Je me suis plutôt intéressé à un ouvrage moins volumineux et paraissant dans une collection, Vérités et légendes, dont j’avais déjà lu un volume. Voyons donc ce qui relève de la connaissance historique et du mythe sur le Débarquement. Un ouvrage écrit par Nicolas Aubin, un historien dont j’avais lu et apprécié un autre livre, La course au Rhin.

L’ouvrage n’est pas très épais et découpé en une grosse vingtaine de chapitres, un par sujet/mythe abordé. L’auteur présente l’idée en question, parfois par l’intermédiaire d’un extrait du Jour le plus long, le best-seller de Cornelius Ryan, ou de son adaptation filmique. Il explique ensuite ce que l’état de la recherche historique peut dire sur le sujet pour voir si l’idée est vraie ou fausse. Et dans ce dernier cas, éventuellement de savoir pourquoi cette fausse idée s’est répandue.

Les sujets sont assez variés et vont de choses plutôt connues du grand public, notamment par le biais du film Le jour le plus long, comme le fait que les divisions blindées étaient bloquées parce qu’Hitler dormait, jusqu’à des points plutôt débattus par les amateurs d’histoire militaire, comme la compétence de certains chefs militaires. L’ensemble ne couvre pas le seul Jour J mais s’étend à toute la bataille de Normandie, de sa préparation avant le débarquement jusqu’à la fermeture de la poche de Falaise.

Comme on peut s’y attendre, il y a effectivement de véritables mythes sur cet événement et d’autres points sur lesquels la réalité concorde à peu près avec la vision qu’en a la plupart des gens. Dans certains cas, j’ai trouvé particulièrement intéressante la démarche de l’auteur. Par exemple, dans le cas de l’absence, ou pas, de la Luftwaffe le Jour J. Dans le film bien connu, on a quelques scènes avec ce pilote allemand qui se plaint qu’il n’a que deux avions à sa disposition et qu’il ne pourra pas faire grand chose face aux forces alliées. Ce qui n’est pas la réalité historique. L’armée de l’air allemande disposait et a réussi à faire voler nettement plus d’avions que cela le 6 juin 1944. Néanmoins, les alliés alignaient de tels effectifs en face, plus de dix fois plus, que le résultat final est extrêmement maigre du côté allemand. De plus, les avions à la croix gammée étaient éparpillés en petites quantités sur des terrains de dégagement, ce qui ressemble à peu près à ce que vit le très caractériel pilote du film. Bref, l’idée est une légende mais elle recèle pourtant bien une part de vérité et la représentation filmique impose parfois de recourir à ce genre de raccourci.

J’ai apprécié que tout en brisant certaines légendes à la vie dure, comme l’impact des actions de la Résistance ou l’utilité des bombardements alliés, l’auteur ait le soin de préciser les effets réels de ces actions. Car si elles n’ont pas l’ampleur qu’on leur prétend parfois, elles ne sont pas totalement dépourvues de conséquence. De plus, il évite aussi les pièges de la téléologie et rappelle que les alliés ne pouvant prédire l’avenir ont essayé d’avoir un maximum d’atouts en main. Un rappel toujours salutaire lorsque l’on essaie de critiquer les décisions prises par les uns et les autres. La stupidité est parfois de la partie, mais le manque d’information, la multiplicité des contraintes (militaires, politiques, diplomatiques, etc.) jouent aussi dans la façon dont les « mauvaises » décisions sont prises.

J’ai aussi aimé le rappel que les décryptages d’Enigma ne se résument pas à la lutte contre les sous-marins dans la Bataille de l’Atlantique (soit dit en passant, une bataille gagnée pas seulement par ces fameux décryptages mais pour bien d’autres raisons dont parle notamment ce livre). Sur un autre point, l’auteur reconnait dans une note de bas de page qu’il a lui-même colporté des chiffres faux, en accordant une trop grande confiance aux archives.

J’ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre. Je connaissais déjà certaines choses, j’en ai confirmé d’autres mais j’ai fait aussi plein de découvertes. Le ton de l’auteur m’a plu : démontrer les erreurs mais parfois montrer aussi que la perception globale du sujet est malgré tout correcte. Les sources sont nombreuses, toujours appréciable dans un ouvrage historique. Et dans l’ensemble, je pense que ce livre est tout à fait accessible aux néophytes. Certains chapitres seront peut-être moins intéressants que d’autres, c’est inévitable vu le nombre de sujets abordés, mais il y aura déjà plein de choses à découvrir pour celleux qui connaissent le débarquement surtout par Le jour le plus long ou Il faut sauver le soldat Ryan.

Le Débarquement – Vérités et légendes
de Nicolas Aubin
éditions Perrin, collection Vérités et légendes
293 pages (format moyen)

disponible en numérique chez 7switch

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