ATG #87 : La SF de Laurent Genefort

La fiche de l’émission

Puisque Laurent Genefort participe au podcast Procrastination qui parle de l’écriture. J’ai pensé à l’idée de l’auteur qui se met en scène dans ses écrits, ou qui propose un personnage d’auteur.

On peut commencer avec Stephen King. Le célèbre auteur a plusieurs fois mis en scène des écrivains, de Shining (chez Livre de poche) à Misery (chez Livre de poche) en passant par La part des ténèbres (chez Pocket). Ces personnages ne sont pas choisis par hasard et on sent bien que King y met une part de lui-même. Il va jusqu’à se mettre lui-même en scène dans sa grande œuvre : la Tour Sombre (chez J’ai Lu). Une série dans laquelle il ne se met pas forcément en valeur.

Bien d’autres ont proposé des écrivains comme personnage et en SF j’ai rapidement pensé à un classique de l’humour : Martiens, go home ! (chez Folio SF) de Fredric Brown. On y suit Luke Devereaux, écrivain en mal d’inspiration parti s’installer dans un coin du désert. Et tout commence quand un martien vient frapper à sa porte. C’est le moment où Luke plonge en plein cauchemar et le reste de l’humanité avec lui. L’ouvrage se lit vite et avec plaisir. Roland C. Wagner écrira un hommage non moins amusant (et grinçant) sous le titre L.G.M. (chez Le Bélial/J’ai Lu).

En continuant à dénouer le fil de ma pensée, je suis arrivé sur l’idée du narrateur non fiable. Ce ressort est régulièrement utilisé dans les thrillers. J’ai un petit faible de ce côté pour un vieux bouquin d’Alistair McLean : Destination Zebra, station polaire. L’ouvrage, qui a été adapté au cinéma en 1968, nous emmène du côté du pôle Nord. Un environnement dans lequel l’auteur place plusieurs de ses romans, comme Nuit sans fin. J’ai retrouvé un peu de cette ambiance ambiance dans le Zodiac Station de Tom Harper (chez Bragelonne): environnement polaire avec des personnages isolés et une nuit qui n’en finit pas et des narrateurs non fiables.

En fantasy aussi on peut trouver à redire sur les narrateurs. C’est par exemple le cas dans la série Chronique du tueur de roi de Patrick Rothfuss. Le personnage principal, Kvothe, fait le récit de sa vie à un témoin venu pour mettre par écrit son histoire. Au long du Nom du vent (chez Bragelonne), puis de La peur du sage, on remarque que certains événements qu’on nous promettait au début ne semble avoir jamais eu lieu. Pourtant, ils sont parfois bien présent mais pas sous la forme qu’on imaginait. Les interlocuteurs de Kvothe se permettent aussi quelques commentaires sur la véracité de son récit, s’interrogeant sur certains manques.

En s’éloignant un peu du cadre de la SF (mais pas forcément tant que cela), je vous propose aussi les ouvrages de Chuck Palahniuk. Célèbre pour Fight Club (chez Folio SF), dont le narrateur est un bon prototype de non-fiabilité, l’auteur américain a fréquemment recours au récit à la première personne. Et bien souvent, ce narrateur amène un filtre particulier qui crée une certaine marge entre ce qu’il dit et que doit être la réalité.

J’ai à de multiples reprises parlé de Iain M. Banks et de son cycle de la Culture. Cette fois, je vous propose son premier roman, Le seigneur des guêpes (chez Fleuve Noir). Frank a 16 ans et vis sur une petite île avec son père. Il a été mutilé par le chien de la famille quand il était enfant. Il se prétend meurtrier de son petit frère. Où est la vérité et le mensonge dans ce que nous raconte Frank. Le filtre du narrateur n’est pas le seul à nous tromper, puisque Frank a lui-même une vision du monde déformé par son père. Avec ce premier roman, Banks livre un très bel exercice sur la psychologie du personnage. On constate aussi que la folie et la perversion sont dès thèmes qu’il traite dès le début de sa carrière.

Enfin, je vous propose un film : Rashomon, d’Akira Kurosawa. Dans ce classique du cinéma japonais, un samurai a été tué et sa femme violée. On assiste au même récit raconté par le bandit, la femme puis le fantôme du samurai. Les différentes versions se contredisent et un témoin des événements fini par montrer que tous mentent. Et il se demande pourquoi. Un film (évidemment) superbe avec une belle distribution.