ATG #76 : Ça roule pour le flexfuel

La fiche de l’émission

Le carburant et ses alternatives sont rarement l’élément central des ouvrages de SF, mais on peut voir l’idée utilisée comme un élément de fond. J’ai tout de même en tête un ouvrage où le carburant et de façon plus générale le pétrole est important. Écrit par l’allemand Andreas Eschbach, En panne sèche (chez l’Atalante) est un thriller plutôt qu’un livre de SF. L’action se passe en deux temps, que l’on peut considérer comme étant le moment présent. On y suit Markus un jeune allemand installé aux États-Unis et qui prend un peu de bon temps après avoir quitté son boulot. Il fait la rencontre de Walter, un vieil autrichien qui prétend connaître une méthode permettant de trouver du pétrole en abondance. Les deux vont s’associer pour tenter de faire fortune. En parallèle, on verra la possible fin d’exploitation de l’un des principaux gisements saoudiens et ses conséquences sur le reste du monde. La réflexion sur le pétrole, sa gestion et les possibles mensonges sur les réserves (notamment celles des pays de l’Opep) est intéressant et l’ouvrage se lit rapidement malgré son épaisseur.

Si on va au-delà du pic pétrolier et que l’on passe dans l’ère d’après, on peut s’intéresser à La fille automate, livre de Paolo Bacigalupi que j’ai déjà évoqué par le passé (chez Au Diable Vauvert/J’ai Lu). L’intrigue se passe dans une Thaïlande après l’ère du pétrole. L’humanité a remplacé cette source d’énergie par diverses options, des mammouth recréés par génie génétique jusqu’au mécanisme à ressort. Le pays est devenu une puissance relativement importante, notamment en ayant construit sa richesse sur le patrimoine génétique des semences stockés par le passé. L’ouvrage forme un portrait en creux du personnage titre, dont on n’aura pas vraiment le point de vue alors qu’elle sera témoin de divers événements. Ce très bon roman a été récompensé par de nombreux prix et s’il n’est pas très facile d’accès, il vaut largement l’effort que peut en demander la lecture. L’auteur a continué à écrire sur des thématiques similaires, notamment l’accès à l’eau.

En continuant à dériver, j’arrive à l’idée d’une ressource rare et précieuse, indispensable au système économique présenté par un ouvrage. Et j’arrive donc logiquement à un classique de SF : Dune, de Frank Herbert (chez Pocket). Les voyages interstellaires n’y sont possibles que grâce à l’épice, sorte de drogue qui permet de développer une forme de prescience indispensable pour calculer des sauts spatiaux. Une seule planète la produit : Arrakis. Un monde désertique et dangereux dont le contrôle est attribué à une famille noble par l’empereur. Au début de l’ouvrage, ce contrôle change de main, passant de la maison Harkonnen à la maison Atréides. Dune est un récit plein d’intrigues et décrivant un monde exotique qui laisse souvent des images durables dans les souvenirs de ses lecteurs. Le contrôle et les propriétés de l’épice sont omniprésents dans l’ouvrage. Mais une autre ressource apparait tout aussi importance au fil du récit : l’eau. En effet, Arrakis n’étant qu’un vaste désert chaud et sec, l’eau peut y devenir tout aussi précieuse que l’épice et les hommes du désert, les fremens, sont devenus maîtres dans l’art de la sauvegarder. Bref, en plus d’être un livre univers incontournable, Dune est un ouvrage qui parle de ressources précieuses.

Le concept de ressource précieuse n’est pas limité à la SF puisqu’on peut aussi le trouver dans la fantasy. On peut s’intéresser à Acacia, trilogie écrite par David Anthony Durham (Le pré aux clercs/Pocket). Dans le premier volume, intitulé La guerre du Mein, on s’intéresse à un empire dont l’économie est basée sur l’esclavage et l’exploitation d’une drogue, qui permet de maintenir une partie de la population dans un état de dépendance et d’hébétude l’empêchant de se révolter. L’intrigue va se concentrer sur les quatre enfants de l’empereur, qui vont être cachés après le meurtre de leur père. On les verra grandir et tenter de reprendre le pouvoir. Derrière une histoire de conflit de pouvoir, on verra donc une réflexion sur l’esclavage et la narco-économie. Ce premier volume se termine de façon assez satisfaisant sans laisser le lecteur en rade.

Enfin, une autre proposition de lecture avec La guerre du lotus de Jay Kristoff (Bragelonne). Cette série se passe dans un univers qui est une sorte de mélange fantasy et steampunk avec une forte inspiration japonaise. Yukiko est la fille d’un grand chasseur a qui le shogun a ordonné de lui ramener la dépouille d’une créature mythique. L’échec ne sera pas toléré. Commence alors un voyage aux marges de l’empire, là où le contrôle du shogun et de la guilde à laquelle il est en partie soumis s’amenuise. La raison pour laquelle je propose ce titre est que l’économie de cet empire repose sur la culture du lotus rouge. C’est cette plante qui une fois raffinée procure la source d’énergie qui permet de faire fonctionner l’industrie de l’empire et ses moyens de transport, indispensable au maintien de la guerre avec les états voisins. Le lotus rouge est aussi une source de drogue. Mais la culture du lotus rouge ravage les terres arables qui deviennent alors impropre à toute forme de culture et dégage des vapeurs toxiques qui polluent l’atmosphère. Kristoff livre un récit d’aventure bien rythmé doublé d’une réflexion sur la culture à outrance, l’énergie et la survie d’une civilisation industrielle sans détruire son environnement. Enfin, sans être spécifiquement destinée au jeune lectorat cette série est lisible par un public adolescent.