Il fut un temps où j’achetais beaucoup de livres, plus que je n’en lisais et donc j’accumulais. Les choses ont maintenant changé et je suis plutôt dans la situation inverse, ce qui fait que la taille de ma bibliothèque se réduit petit à petit. Je vois alors ressurgir des livres dont j’avais parfois oublié jusqu’à l’existence. C’est ainsi que je suis retombé par hasard sur Collapsium de Wil McCarthy, ouvrage qui dormait depuis maintenant une dizaine d’années dans mes rayonnages.
Bruno de Towaji vit peinard sur sa petite planète artificielle dans la ceinture de Kuiper et compte bien y rester. Mais un danger inédit menace l’humanité et la reine fait appel à celui qui a offert au reinaume quelques unes de ces plus belles innovations technologiques.
Collapsium est organisé en trois parties, soit trois histoires, la première au moins étant la reprise d’une novella (je n’ai pas trouvé de référence sur les deux autres parties). Et là on trouve déjà un problème : les répétitions. Le roman a vraiment les apparences d’un collage de trois histoires sans que l’auteur se soit fatigué à gommer les informations répétées à chaque début de partie. C’est un peu agaçant, mais s’il n’y avait que ça, il n’y aurait pas trop matière à se plaindre.
Le problème, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à sauver de l’ouvrage. Les personnages sont en carton-pâte et McCarthy semblant avoir du mal à en créer on retrouve les mêmes d’une partie à l’autre, comme par hasard. Les intrigues en elle-même sont vides au possible et se résume à un schéma très simple : la nouvelle invention d’un « concurrent » se détraque et menace l’humanité, de Towaji est rappelé de sa retraire, il regarde le problème, réfléchit cinq minutes et propose une solution, son « concurrent » s’exclame « mais oui, ça marche, c’est génial », la reine lui offre une médaille et il retourne au fin fond de la ceinture de Kuiper. Une fois c’est déjà grotesque mais quand le procédé se répète, c’est carrément agaçant. De plus, cette intrigue simpliste et assez creuse est étirée sur un nombre de pages qu’elle ne mérite pas. La première partie à elle seule devrait tenir en moitié moins de volume sans qu’on y perde grand-chose.
Si la légèreté de l’intrigue ou le manque d’épaisseur des personnages sont deux caractéristiques que l’on retrouve parfois dans les ouvrages de hard-science, la plupart des auteurs sont tout de même capables de fournir un minimum en la matière qui dépasse largement le niveau de Collapsium. Ce roman a donc des éléments de hard-science à proposer. De ce côté non plus ce n’est pas transcendant. Et pourtant il y avait une promesse intéressante. Mais la forme n’est pas très adaptée à l’ouvrage. Différentes notions sont reléguées dans les annexes que le lecteur est invité à lire en cours de route. La hard-science est pourtant pleine d’ouvrage où les auteurs sont capables d’expliquer au milieu du récit les éléments pourtant parfois complexes sur lesquels sont basés leur ouvrage. Et si d’aventure ils proposent des annexes c’est en général pour approfondir un peu la question ou expliquer comment ils en sont venus à développer les idées qu’ils proposent. De plus et bien que n’étant pas spécialiste du domaine qu’explore McCarthy dans cet ouvrage, je n’ai pas pu m’empêcher de trouver que ce qu’il proposait me semblait un peu bancal. Le tour de passe-passe mathématique un peu grotesque qu’il utilise au début de sa première annexe contribue sensiblement à cette impression. Je n’ai pas non plus souvenir d’avoir vu la moindre explication sur les sources d’énergie employées pour faire tous ces beaux tours de magie physique que propose l’auteur dans son ouvrage. Dans un livre moins technique, cela ne me gênerait pas, dans un ouvrage de hard-science c’est un peu plus embêtant.
L’une des choses intéressantes que peut faire l’auteur de hard-science, et même l’auteur de SF en général, c’est de ne pas se contenter de proposer des idées mais aussi d’explorer les possibilités qui en découlent et leurs éventuelles conséquences. Ici, c’est complètement raté. McCarthy propose des technologies permettant la téléportation, la duplication et par extension l’immortalité et derrière ça… quasiment rien en terme de réflexion. Quand je pense à ce qu’a fait David Brin sur l’idée de la duplication (cf. Le peuple d’argile) ou même ce qu’un auteur moins « reconnu » comme Sean Williams a écrit en partant de l’idée de téléportation (cf. Reconstitué), je mesure vraiment la pauvreté de ce Collapsium.
En résumé, cet ouvrage a loupé à peu près tout ce qui fait un bon roman, touche à peine au côté merveilleux scientifique de la science-fiction et en oublie presque entièrement le côté réflexion. J’avoue avoir du mal à comprendre comment l’éditeur français a pu imaginer que l’ouvrage méritait une traduction, surtout si cette dernière ajoute quelques boulettes dans les ordres de grandeur que manipule l’auteur.
Collapsium (The Collapsium)
de Wil McCarthy
traduit par Thierry Arson
illustration de Leptosome
Éditions Presses de la Cité
421 pages (grand format)