Le peuple d’argile, de David Brin

J’ai récemment parlé de David Brin suite à la réédition de Terre et remarqué qu’il ne me restait qu’un seul texte de l’auteur en français que je n’avais pas encore lu. J’ai décidé de combler cette lacune et ai donc lu Le peuple d’argile, son avant-dernier roman en date. Voyons un peu de quoi il est question.

Albert Morris est un détective privé et lorsqu’il a une enquête un peu compliquée à mener, il n’hésite pas à faire appel à ses dittos : des doubles façonnés en argile et ne vivant qu’une journée. Grâce à eux, il peut suivre plusieurs pistes à la fois, tout en laissant un autre ditto s’occuper des tâches ménagères. Et lorsqu’une nouvelle enquête qui touche au fondement de cette nouvelle société commence, Albert ne peut évidemment pas de passer se ses doubles pour mener l’enquête.

Le point de départ du peuple d’argile est assez original. Il ne s’agit pas directement de clonage puisque les enveloppes sont faites d’argile et que l’on n’y charge que la personnalité et les souvenirs de l’original. Cette idée est doublée d’une seconde : on peut charger les souvenirs d’un double avant qu’il ne finisse son existence. Il devient alors possible de réaliser les tâches dont on ne veut pas garder un souvenir particulier en usant d’un double pendant que l’on en emploie un autre pour augmenter les expériences dont on veut se rappeler. Les dittos sont de différentes qualités en fonction de l’usage et sont repérables par des couleurs spécifiques, créant ainsi toute une palette au sens propre de personnages.

Brin a réfléchit à la façon dont une telle innovation modifierait la société et des problèmes que cela peut soulever. Quand un ditto n’a que vingt-quatre heures d’espérance de vie, qui est responsable si un ditto est tué et qui l’est si un ditto cause des dommages ? Trompez-vous votre partenaire lorsque l’un de vos dittos couche avec quelqu’un d’autre ? Et comme se comporte-t-on avec le double de quelqu’un d’autre, une entité qui n’a pas les mêmes droits qu’un être humain, mais dont les souvenirs peuvent néanmoins revenir à l’original ? Brin va ainsi explorer quelques pistes de réflexion, notamment sur l’identité et les souvenirs. Est-on défini par ses souvenirs ? Lorsque l’on multiplie les copies de soi, dilue-t-on sa conscience originale ?

L’idée suivie par Brin lui permet aussi un abord un peu original du récit classique de détective à la première personne. En effet, on alterne entre différentes versions d’Albert Morris : l’original et certaines de ses copies. On aura ainsi un regard du personnage sur lui-même, multiplié par ses différents doubles. On plonge dans le point de vue d’entité qui ont les souvenirs de toute une vie mais qui ne vivront que vingt-quatre heures avant de se désagréger. Leur point de vue sur la vie, l’univers et le reste en est forcément différent. Certains ont l’espoir de « survivre » en voyant leurs souvenirs téléchargés dans l’original à la fin de la journée alors que pour d’autres cela semble peu probable.

On retrouve aussi quelques éléments chers à Brin, comme le thème de la société de transparence, où la majeure partie des informations sont librement accessibles à tous. On verra que l’idée de se copier à volonté peut évidemment pousser à quelques extrémités. Que certains refusent évidemment le principe même alors que d’autres estiment que les doubles ont les mêmes droits que les originaux, etc. Bref, comme souvent chez Brin il y a beaucoup d’idées et de réflexions semées un peu partout. On voit à la fois un monde où les gens sont libérés des tâches les plus ingrates et peuvent trouver du temps pour autre chose et à la fois un monde où une nouvelle classe d’esclaves sans droits est apparue. Étrange dichotomie.

Je ne savais pas trop quoi attendre de ce « dernier » Brin que je n’avais pas encore lu. J’ignorai jusqu’au thème abordé et j’ai été un peu surpris de voir cette histoire de détective. En fin de compte, je n’avais pas à m’inquiéter, tout comme pour Terre. Ayant déjà lu en anglais le Existence qui vient de sortir en français, je n’ai plus qu’à attendre un prochain roman de l’auteur. Peut-être en relisant quelques-uns des précédents.

le-peuple-dargileLe peuple d’argile (Kiln People)
de David Brin
traduit par Thierry Arson
illustration de amaterra
éditions Presses de la Cité
619 pages (grand format)

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