Infinity Wars, dirigée par Jonathan Strahan

Je poursuis la série des anthologies Infinity dirigée par Jonathan Strahan. Me voici arrivé au sixième et avant-dernier volume, Infinity Wars, qui va évidemment parler de guerres. Voyons un peu ce que les auteurices proposent sur le sujet.

Je commence avec un texte de Carrie Vaughn, une autrice que je crois ne jamais avoir lu jusqu’ici. Dans The Evening of their Span of Days, on se trouve sur une station spatiale qui pratique l’entretien et la réparation de vaisseau. Le tout dans un environnement qui ne semble pas en guerre. J’ai apprécié la façon dont le texte rend tous les petits problèmes d’un travail en particulier : la protagoniste gère plusieurs ateliers d’entretien et tout le monde se tourne vers elle pour réclamer les pièces détachées qui n’arrivent, se plaindre de l’allocation en énergie insuffisante, etc. et de l’autre côté la voir coincé par sa hiérarchie qui ne semble pas agir pour régler les problèmes. J’ai aussi aimé la présence de rumeurs et la manière dont elles se répandent dans la station. Bref, dans l’ensemble j’ai bien apprécié ce texte.

Dans The Last Broadcasts, c’est de communication et de censure dont nous parle An Owomoyela. On voit ce qu’il se passe quand on mute quelqu’un à un poste avec une obligation de confidentialité. J’ai assez apprécié le dilemme moral que représente pour la protagoniste le fait de censurer un flux d’informations et de devoir en produire une falsification pour ne cacher cette censure.

On se rapproche un peu de la zone de combat avec Faceless Soldiers, Patchwork Ship de Caroline M. Yoachim. Un des aspects de la fin du texte m’a semblé un peu trop improbable mais l’ensemble est pas mal. On va voir ce qu’il se passe quand on envoie quelqu’un tenter une infiltration dans un milieu étranger, où il devient possible de commencer à comprendre « l’ennemi ».

On revient sur Terre avec Nancy Kress qui dans Dear Sarah propose la vue de quelqu’un qui s’engage dans l’armée… parce que c’est la principale solution pour sortir de la pauvreté. Le texte est assez court mais j’ai beaucoup aimé la manière dont l’autrice écrit le personnage, avec sa façon de s’exprimer, ses relations avec sa famille et son regard sur le monde. Le contexte est aussi intéressant, on perçoit la complexité de la situation sans que Kress ait besoin d’en tartiner pendant des pages. Bref, un bon texte.

Dans The Moon is not a Battlefield, on voit que l’engagement dans les forces armées n’est pas toujours une option. Cela peut être une obligation imposée alors même que vous êtes encore enfant. Indrapramit Das nous emmène donc faire un tour sur la Lune, où la situation est tendue entre les différentes puissances terrestres qui y ont installé des bases. On a une peinture assez crédible de ce que pourrait être un conflit lunaire, avec la gravité plus faible, l’absence totale de bruit et donc la perte d’un repère essentiel à l’être humain, etc. Le texte est organisé comme une forme de dialogue par un double récit à la première personne, avec une fin assez logique.

On passe ensuite à Elizabeth Bear, qui dans Perfect Gun s’intéresse au mercenariat, aux robots de combat et aux IA. On suit donc un mercenaire et son armure de combat, de mission en mission, de planète en planète. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il bosse vraiment pour ceux qui le paient, sans trop se poser de questions sur le plan moral. Tout en entretenant une relation étrange, et franchement dérangeant de mon point de vue, avec son armure de combat. Bear ne fait pas trop dans la dentelle avec ce personnage et la fin ne donne pas forcément envie de le plaindre.

De son côté, Dominica Phetteplace propose de s’intéresser à la prédictibilité. Dans The Oracle, on suit Rita qui utilise ses talents en terme de programmation et d’analyse de données pour fournir chaque mois à ses clients des choses indispensables comme la bonne bouteille de whisky ou le vernis à ongle adéquat. Jusqu’au jour où l’armée décide de recourir à ses services, pour s’offrir régulièrement le conflit optimum pour occuper l’opinion. J’ai bien aimé le ton du récit, avec un peu d’humour et un certain cynisme sur le sujet, tout en proposant une sorte de fantasme de ce que l’analyse de données pourrait permettre.

Je retrouve ensuite une autrice dont j’apprécie beaucoup la plume : Aliette de Bodard. Dans In Everlasting Wisdom, elle s’intéresse au contrôle des soldats. Comment s’assurer une loyauté dans faille des troupes ? Notamment lorsque ces soldats ne servent pas juste un combattre un ennemi extérieur sur un champ de bataille précis mais aussi à maintenir dans le rang une population frappée par la misère. La solution proposée ici est intéressante et on voit comment ça peut malgré tout ne pas suffire. J’ai beaucoup apprécié le point de vue du personnage principal.

Dans Command and Control, on va s’intéresser un peu à la téléportation. C’est le sujet qu’utilise David D. Levine et l’aspect technique du texte est intéressant, les implications d’une telle technologie au sein d’un conflit sont très importantes. Malheureusement, l’auteur place ce texte dans un conflit indo-chinois futur et ne fait pas preuve d’une once de subtilité. S’il n’est pas illogique que le personnage dont on suit le point de vue, une soldate indienne, ait une vision nécessaire peu ambivalente de la situation, on attend quand même un niveau caricatural. Il n’y a aucune remise en question d’une vision d’un conflit dans lequel de gentils indiens luttent contre un féroce gouvernement chinois qui sacrifie ses soldats sans aucun état d’âme. Cet absence totale de subtilité m’a complètement pourrit le texte et c’est dommage puisque l’idée de fond était vraiment intéressante.

On part sur une récit plus amusant avec Conversations with an Armory. Dans ce texte, Garth Nix propose la conversation entre l’IA gérant une armurerie et des soldats tentant de la convaincre de les laisser accéder au matériel qu’elle contient. Le texte est assez court et amusant.

Retour à des sujets plus sérieux avec Rich Larson qui dans Heavies propose de faire un tour du côté d’une colonie spatiale. On suit le point de vue d’un soldat extérieur et amélioré et de ses interactions avec les colons. Jusqu’au moment où tout bascule dans le drame. L’explication proposée est intéressante et la conclusion du texte n’est pas satisfaisante pour le personnage mais va bien avec le texte.

Je passe ensuite à Genevieve Valentine, que je connaissais jusqu’ici comme scénariste de comics pour son très bon run de Catwoman. Dans Overburden, on se retrouve dans un cadre de guerre civile et l’on suit un personnage d’un certain niveau dans la hiérarchie locale. Si l’aspect SF ne m’a pas vraiment impressionné (ça pourrait se passer à n’importe quelle autre époque dans trop de soucis), j’ai trouvé que l’autrice rendait assez bien l’ambiance de flou de ce type de situation.

Comme le laisse supposer son titre, Weather Girl parle de météo. E. J. Swift y développe l’idée de la météo et surtout de sa prédiction comme une arme. Si une puissance à la capacité de prévoir les tempêtes catastrophiques et d’en masquer l’approche, alors il devient possible d’influer sur un pays en le prévenant ou lui cachant le cyclone qui approche. Si le développement et la fin du texte sont assez prévisibles, j’ai trouvé intéressante l’idée et crédible la façon dont ce principe serait employé.

Dans Mines il est évidemment question de l’arme du même nom, mais Eleanor Arnason propose aussi l’idée de l’utilisation des animaux, avec un peu d’aide technologique, dans un contexte de guerre. L’idée qu’elle utilise doit d’ailleurs sous une forme un peu moins développée probablement trainer dans les bureaux de quelques forces armées à l’heure actuelle. L’intrigue et les personnages qui accompagnent cette idée sont plutôt bien et ça donne donc un texte que j’ai apprécié.

On termine cette anthologie avec un texte de Peter Watts, un habitué des ouvrages dirigés par Strahan. Dans ZeroS, on voit une proposition pour employer un type de soldat un peu particulier, qui garanti en principe un contrôle sur certains choix et permet à une partie de sa personnalité de ne pas être trop marqué par la violence. Je ne suis pas totalement convaincu par le principe que développe Watts, j’ai du mal à y croire. Mais comme le personnage principal n’est pas énervé en permanence (gros défaut pour moi de certains des textes de l’auteur), ça passe bien pour moi.

Dans l’ensemble, j’ai trouvé l’antho vraiment satisfaisante. Le thème de la guerre est traité de façon large et varié, alors que ça aurait pu être une enfilade de textes parlant de batailles et de combats. Non seulement, ça aurait été monotone mais en plus ça aurait été très réducteur comme vision par rapport au phénomène que sont les guerres. Merci donc aux auteurices, et à l’anthologiste, pour avoir produit cette variété d’approche et de traitement qui m’a rendu cette lecture plaisante et intéressante.

Infinity Wars
anthologie dirigée par Jonathan Strahan
illustration d’Adam Tredowski
éditions Solaris
364 pages (grand format)

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