Adolf Hitler se suicide le 30 avril 1945 mais la reddition finale des troupes allemandes n’a lieu que le 8 mai 1945, huit jours plus tard. Que s’est-il passé pendant ces huit jours ? C’est ce que propose Volker Ullrich dans cet ouvrage.
L’auteur commence par évoquer les derniers moments de la vie d’Adolf Hitler, notamment la rédaction de son testament politique. Commence alors la transition politique vers un nouveau « gouvernement » de l’Allemagne nazie, sous la direction du grand-amiral Dönitz.
Ullrich montre bien le décalage entre la perception de la situation des nazis et celle des alliés. D’un côté, des gens qui pensent encore pouvoir s’en sortir d’une façon ou d’une autre, qui croient à la possibilité de négocier un armistice séparée à l’ouest pour concentrer leurs forces sur l’est, etc. De l’autre, des alliés qui restent méfiants entre eux, qui parfois s’écartent un peu des accords passés entre eux mais restent inflexibles sur les grandes lignes.
On voit aussi les manœuvres internes entre nazis, certains dispositions prises par Hitler se révélant rapidement caduque, à commencer par celle de Joseph Goebbels qui suit rapidement son maître dans la fuite par le suicide. Certains espèrent encore grappiller du pouvoir au milieu du tas de ruines rétrécissants qu’est le Troisième Reich. Et ça a un côté fascinant de voir ces personnages intriguer de cette façon.
On peut découvrir aussi à la lecture de l’ouvrage que si la capitulation complète des forces allemandes a lieu le 7 mai, avec une redite le lendemain à Berlin pour contenter les soviétiques, une partie de ces armées ont déjà capitulé depuis plusieurs jours.
L’auteur a un récit avec une forme intéressante. Chaque chapitre se concentre sur une journée, avec les tentatives de négociations, l’évolution de la situation militaire, la libération de camps de toutes sortes, la vie des civils au milieu, etc. Mais il s’étend aussi régulièrement sur l’avant et l’après. On voit ainsi le portrait de nombreux personnages historiques, notamment des futures deux Allemagnes, avec leur parcours avant et pendant la guerre et un aperçu de leur devenir par la suite. Ullrich nous dessine aussi comment les choses évoluent dans les semaines et mois qui suivent la capitulation, notamment sur la question de l’occupation, le traitement des prisonniers allemands et le retour des déportés, déplacés, travailleurs forcés, etc. vers leur nation d’origine. Et parfois de façon forcée dans ce dernier cas.
Ces éléments permettent de bien mesurer non seulement l’étendue des destructions provoquées par les combats sur le sol allemand mais aussi l’incroyable pillage humain et la mise en esclavage d’un contient entier au bénéfice de l’économie d’un pays. Le retour de plus d’une dizaine de millions de personnes vers leur pays et leur famille a représenté un défi hors-norme.
On voit d’ailleurs par moment que les alliés se retrouvent débordés par la situation. Ainsi, les américains ont du mal à gérer l’incroyable afflux de prisonniers allemands dans leurs camps sur les dernières semaines du conflit. Sur ce point, j’ai trouvé que l’auteur traitait bien le sujet. Il met clairement en évidence les manquements américains dans leur traitement des prisonniers. Mais il n’oublie pas non plus de comparer cette situation avec le sort des prisonniers allemands aux mains des soviétiques et surtout celui des soviétiques fait prisonniers par les allemands (plus de trois millions moururent, essentiellement de faim et de façon préméditée du côté allemand).
Enfin, Ullrich cite beaucoup de témoin des événements. Non seulement les « grands » personnages, mais aussi tous les petits qui vivent au milieu de cette fin d’un monde. Et généralement, ces témoignages sont assez bien contextualisés.
J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Il est d’une lecture agréable et plutôt rapide. Si l’auteur raconte bien les événements de ces huit jours, qui sont à eux seuls très intéressants, il n’hésite pas à élargir la focale historique pour qu’on comprenne bien l’origine de certaines décisions et aussi leurs conséquences. Le sujet est un peu pointu, mais je pense que l’ouvrage est parfaitement accessible aux néophytes curieux de comprendre comment on « termine » une guerre d’une telle ampleur.

8 jours en mai – L’effondrement du IIIe Reich
de Volker Ullrich
traduit par Denis-Armand Canal
éditions Passés Composés
300 pages (dont notes, bibliographie et index)