Jardins virtuels, de Sylvie Denis

Je ne consomme pas beaucoup de recueils de nouvelles, je lis peu d’auteurices francophones et guère plus d’autrices. C’est donc un bel alignement de planètes qui se réalise puisque j’ai lu Jardins virtuels, un recueil de nouvelles de Sylvie Denis avec au sommaire treize textes.

Le recueil commence avec Dedans, dehors. un récit dans lequel on suit une jeune fille qui a grandi dans une communauté vivant en marge du monde. Bien qu’abreuvée comme tous les enfants d’une éducation insistant sur les dangers de l’extérieur, elle ne semble pas vouloir se plier indéfiniment aux règles d’un environnement qu’elle semble clairement détester. Le texte est pas mal et si la fin n’est pas vraiment surprenante, elle est bien amenée.

On passe ensuite à L’Anniversaire de Caroline. Une histoire de vol assez particulière, dans un avenir où l’univers carcéral a pris une tournure vraiment pas rassurante. J’ai bien aimé le ton de la narratrice ainsi que son idée de larcin assez inédite.

Dans In memoriam : Discoveryland, il est question Peter Pan et des ruines de Disneyland. Il est toujours amusant de voir un futur dépeint à une époque passé qui forme du coup une sorte d’uchronie au moment de la lecture. Cependant, c’est à peu près tout ce que m’a inspiré le texte, je n’ai pas réussi à vraiment rentrer dedans.

Avec Fonte des glaces, l’autrice parle d’un projet dingue qui a très certainement été étudié à un moment ou à un autre : remorquer un iceberg jusqu’en Afrique. Le récit est vu par les yeux d’un ado qui a passé des années au sein de l’iceberg, dans une communauté dirigeant ce projet un peu étrange. L’intérêt du texte réside dans ce qu’il se passe une fois arrivé sur la côte africaine, où les choses ne sont pas forcément à la hauteur de ce qu’imaginait le protagoniste.

Ensuite, direction la Sibérie avec Cap Tchernobyl. Ce joli texte parle du dernier voyage d’un homme mourant, à la recherche d’un tigre, et d’un robot gardien de la faune locale.

La Balade du singe seul est un texte que j’ai déjà lu, puisqu’il est au sommaire de l’anthologie Destination 3001 et je n’en avais gardé aucun souvenir. Cette fois, le texte passe mieux. Le futur dépeint est assez bien fait et l’idée du voyage temporel par le biais du sommeil long n’est pas nouvelle mais fonctionne bien. Le concept d’humains hibernants est d’ailleurs l’un des éléments principaux d’un diptyque de l’autrice, La saison des singes & L’empire du sommeil, il est donc assez probable que ces deux romans se passent dans le même univers que la nouvelle.

Dans Si Thébaldus rêve… on part à la découverte d’une cité centrée sur l’art mais dont les pensionnaires artistes se prêtent aussi à une sorte d’émission du type Big Brother. La protagoniste se présente aux sélections pour intégrer l’endroit, mais le processus auquel sont soumis les candidats la déstabilise, sans parler d’une colocatrice un peu étrange. Le texte passe bien, avec quelques mystères qui seront résolus en cours de route et une fin qui n’est pas forcément celle que chaque personnage attendait, mais qui tient la route.

L’autrice parle ensuite du clonage humain et de l’un de ses dérivés possibles et particulièrement malsain. Élisabeth for ever. met en scène une ado qui fatiguée d’être régulièrement délaissé par un père qui s’isole complètement décide de découvrir ses secrets. Le résultat ne peut que faire quelques étincelles dans la relation fille-père.

On retrouve le thème du clonage mais exploité de façon bien différente dans De Dimbour à Lapêtre. L’autrice propose un exemple intéressant de clones partageant partiellement leurs souvenirs, à travers une histoire dans laquelle l’une d’entre elles disparait.

On retrouve l’un des mêmes lieux dans Carnaval à Lapêtre. Cette fois, il est question d’une femme fuyant un destin sordide et d’un carnaval permettant à quelques personnes de lui prêter assistance. Cette nouvelle traite de sévice sexuel, comme l’excision et peut-être un peu difficile à lire. Cependant, mon principal soucis aura été que ce texte est issu d’une antho érotique et a donc son lot de scènes de sexe. Et comme dans la quasi-totalité des scènes de ce genre que je lis, ça me laisse complètement froid.

Dans Magma-plasma, on suit une sorte de groupe de mercenaires à qui est confié une mission, qui ne tourne pas du tout comme prévu. Un texte auquel je n’ai pas vraiment accroché, ayant une impression que ça ne savait pas trop où aller.

On retrouve le même univers et certains personnages dans Paradigme Party. Il est question d’humains travaillant sous la direction d’IA et des comportements étranges que certains commencent à manifester. Cette nouvelle est mieux passée que la précédente, même si j’ai toujours beaucoup de mal avec les idées tournant autour des mèmes et de leur manipulation.

Le recueil se conclut avec Nirvana, mode d’emploi. On y parle d’une nouvelle maladie et d’un personnage complètement bouffé par une obsession. Je trouve que ce texte marche bien, notamment le déroulement en différentes époques successives et l’aspect humain avec les problèmes de relations familiales et les réactions face à l’annonce d’une maladie sans remède.

Voici donc un recueil qui pour moi fut un peu en dent de scie. Certains textes m’ont semblé très réussi ou m’ont bien parlé quand d’autres ne sont pas vraiment parvenu à m’intéresser. Dans l’ensemble, le bilan me parait tout de même positif et il faut que je me décide à relire La saison des singes et à enchainer avec L’empire du sommeil.

Jardins virtuels
de Sylvie Denis
illustration d’Alain Brion
éditions Folio SF
542 pages (poche)

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2 réflexions sur « Jardins virtuels, de Sylvie Denis »

  1. Une critique sans détours et franche !
    J’hésite toujours à me lancer dans la découverte d’un nouvel/le auteur/trice, et je ne pense pas que les recueils de nouvelles soit la porte d’entrée idéale pour moi. Là, avec ces 500 pages, ce recueil je vais le laisser de côté !
    Merci !

    1. L’un des intérêts des recueils de nouvelles, et je dis ça alors que j’en lis très peu en fait, c’est d’avoir de la variété dans les textes proposés et que ces derniers ne sont pas trop longs. Découvrir des auteurices par le biais des romans c’est bien aussi (et c’est que je fais la plupart du temps) mais si on ne tombe pas sur le bon roman, ça peut-être pénible, long (si on décide d’aller jusqu’au bout) et frustant. Au moins, les nouvelles permettent de multiplier les chances et aussi de picorer dedans entre deux autres lectures.
      Mais c’est surtout une question de sentiment personnel et c’est vrai que je lis moi aussi peu de recueil. Par contre, je consomme un peu d’antho anglophone et c’est vrai que j’y découvre des nouvelles plumes. 🙂

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