Si l’on regarde les auteurs dont je parle le plus fréquemment sur ce blog, on devrait voir passer les noms de Stephen Baxter et Alastair Reynolds, deux des grands noms de la science-fiction britannique. Aussi, lorsque j’ai vu qu’ils devaient écrire un ouvrage en collaboration, je n’ai pas hésité à en faire l’acquisition. D’autant plus que The Medusa Chronicles (Les chroniques de Méduse en VF) s’annonçait comme poursuivant la voie tracée par une nouvelle d’Arthur C. Clarke, autre auteur que j’ai beaucoup apprécié. Puis le roman a patienté tranquillement dans ma bibliothèque, jusqu’à ce que je me décide à m’en occuper.On retrouve Howard Falcon, personnage principal de la nouvelle A Meeting with Medusa (Face à face avec Méduse en VF), quelques années après sa première visite dans l’atmosphère de Jupiter. Et s’il a acquis une certaine célébrité suite à son exploration jovienne, sa nouvelle nature en inconforte certains. Mais de nouveaux défis s’offrent à lui pour le sortir de cette monotonie.
Reprendre un univers déjà développé par un autre auteur n’est pas toujours facile. Cependant, on a ici deux éléments qui plaident dans le bon sens. D’une part, le texte qui sert de base à cette suite n’est pas très long ce qui fait que l’univers qui est développé n’est pas trop riche d’éléments et de personnages. Ceci permet aux continuateurs de ne pas trop galérer pour rester cohérents. D’autre part, les continuateurs sont ici deux grandes plumes actuelles de la science-fiction britannique, et notamment du space-opera : Stephen Baxter et Alastair Reynolds. Tous deux sont largement capables de produire du vertige scientifique aussi bien que ne le faisait Clarke et en plus Baxter a l’avantage d’avoir déjà collaboré à quatre reprises avec lui.
Comme c’est régulièrement le cas avec les deux auteurs, l’intrigue s’étale sur un intervalle de temps assez long, ici plusieurs siècles. On retrouve un chapitrage assez court, propre à Baxter, qui permet de ne pas perdre trop de temps sur chaque événement. On pourrait éventuellement vouloir en savoir un peu plus sur la situation à chaque époque représentée, que les auteurs nous donnent plus de détails, etc. Cependant, je trouve qu’à chaque fois on en sait assez pour apprécier l’intrigue et aussi pour avoir envie d’en savoir plus, ce qui me parait une bonne chose dans un bouquin de science-fiction : toujours laisser un peu de place au lecteurice pour aller un peu au-delà de ce que le récit présente.
La nouvelle de Clarke datant de 1971 mais se passant plus d’un siècle après, alors que le roman de Reynolds & Baxter a été publié en 2016, il y a forcément des divergences entre le futur que décrit le premier et l’époque à laquelle écrivent les seconds. Qu’à cela ne tienne, les auteurs ont trouvé la parade pour livrer une suite cohérente : il s’agit d’une uchronie. Et je trouve que ça fonctionne plutôt bien. Entre chaque partie se passant dans le futur, on a un petit intermède dans le passé, peu après le point de divergence, qui permet de comprendre comment cet avenir s’est construit.
Face à face avec Méduse se passait en grand partie dans l’atmosphère de Jupiter. Cette suite va évidemment avoir son lot de séquence sur la géante gazeuse qui domine le système solaire, mais fidèles à leurs habitudes les auteurs ne se sont pas limités à cet endroit, quand bien même ils en dévoilent les merveilles. On fait donc le tour du reste du système solaire, de la brulante Mercure jusqu’aux objets glacés de la ceinture de Kuiper. On trouvera évidemment quelques références sur l’évolution et les chemins que peuvent prendre la vie. Le personnage principal est d’ailleurs un exemple que les auteurs ne se priveront pas d’utiliser. On retrouve aussi quelques habitudes de Baxter & Reynolds comme l’ingénierie planétaire dont on prendra quelques doses, ainsi que la capacité de l’humanité à se mettre joyeusement dans une impasse (certains passages rappellent pas mal la grande guerre contre les Xeelees dans l’univers majeur de Baxter).
Dans l’ensemble, Les chroniques de Méduse est un roman de science-fiction plus qu’honnête qui offre une belle dose d’émerveillement scientifique, la vision d’un avenir parallèle et une belle promenade dans le système solaire. Chez certains auteurs, ce livre pourrait être dans le haut du panier de leur bibliographies, mais ça n’est pourtant pas dans les meilleures œuvres de Reynolds ni de Baxter et c’est probablement là son principal défaut.
Les chroniques de Méduse (The Medusa Chronicles)
de Stephen Baxter & Alastair Reynolds
traduit par Laurent Queyssi
illustration de Pierre Santamaria
éditions Bragelonne
408 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch