Le complot contre l’Amérique, de Philip Roth

Parmi les sous-genres de la science fiction, il en est un qui m’a toujours particulièrement attiré : l’uchronie. Pour ceux qui ne connaîtrait pas encore le terme, il s’agit simplement de récit dont le cadre historique a connu une variation par rapport au notre. Si l’issue d’une bataille était différente ? Si une invention majeure n’avait pas été découverte ? Si un artiste particulier était mort prématurément ? Et ainsi de suite.

Une fois n’est pas coutume, ce billet s’inscrit dans le cadre d’une opération plus large, le Winter Time Travel, dirigée par le blog de Lhisbei, un challenge de chronique justement centré sur l’uchronie.

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L’une des dernières œuvres de ce genre que j’ai eu la chance de lire se cache dans une collection de littérature ordinaire, son auteur étant jusqu’ici connu pour des romans ne relevant pas exactement du domaine de l’imaginaire. Ecrit par Philip Roth, Le complot contre l’Amérique est une sorte d’auto-biographie fictionnelle dans laquelle le narrateur décrit son enfance dans une Amérique du début des années 1940, tiraillée entre les partisans d’une intervention dans le conflit mondial qui a éclaté en septembre 1939 et les tenants d’une politique de neutralité stricte.

Tout au long du livre, on suit la vie d’un jeune Philip Roth fictif et de la façon dont l’Histoire et ses soubresauts vont influer sur l’histoire de sa famille, ses liens avec son frère et son cousin.

Roth a parfaitement intégré l’un des principes d’un bon roman d’uchronie : avoir un fond historique attractif, proposer un point de divergence qui puisse exciter l’imagination, tout en centrant son récit autour d’une histoire propre, d’une intrigue à même de captiver le lecteur sans trop s’appesantir sur l’environnement historique. Si le roman offre une place abondante à la façon dont l’histoire évolue dans cette Amérique qui a élut Charles Lindbergh président, c’est surtout pour en montrer les répercussions sur la famille et la vie du jeune Philip Roth. L’évolution des relations entre les personnages et en particulier entre Philip, son frère et leur cousin, est au cœur de l’ouvrage.

En donnant au narrateur son propre nom, Roth brouille totalement la frontière entre le personnage principal et l’auteur. N’ayant que peu de connaissance sur l’auteur, je suis incapable de dire quels détails relèvent de l’autobiographie et lesquels sont totalement fictifs, mais il est très probable que le roman soit rempli d’éléments véritablement autobiographiques. Ce flou sur la frontière entre fiction et réalité permet justement à Le complot contre l’Amérique d’être non pas une simple fiction, mais le véritable récit de l’enfance d’un Philip Roth dans une autre trame historique, en faisant une sorte d’uchronie ultime.

Afin de ne pas induire en erreur le lecteur curieux à propos de la réalité historique, Roth a très justement inclus à la fin de son livre une série de biographies réelles des personnages historiques qu’il met en scène. Voila une initiative qui ne serait pas mal venu dans certains romans historiques aussi.

Le complot contre l’Amérique est donc un livre que je recommande chaudement à tous les amateurs d’uchronie et aux lecteurs de sf en général, mais aussi à tous ceux qui aiment les bons livres.

Le complot contre l'ameriqueLe complot contre l’Amérique (the plot against America)
de Philip Roth
traduit par Josée Kamoun
éditions Gallimard
collection Folio
576 pages (format poche)

Disponible pour pas cher, ce serait dommage de se priver.

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