Deux hommes dans les confins, de Robert Sheckley

Je suis un amateur de Robert Sheckley de longue date. Il fait partie des premiers auteurs de SF anglophones que j’ai lu. Je l’ai découvert par l’intermédiaire d’un numéro du magazine Je Bouquine dans lequel une nouvelle de l’auteur était mise en bande-dessinée. J’ai adoré et me suis alors penché sur les autres textes de l’auteur. Cette nouvelle avait la particularité de mettre en scène un duo de personnage, Gregor et Arnold, que l’auteur a réutilisé par la suite. J’ai donc lu une bonne partie des textes qui leur était consacré dans différents recueils de nouvelles. Tout ça a disparu des rayonnages des librairies depuis belle lurette. Jusqu’à ce que les éditions Argyll décide de proposer une réédition de ces textes, en les accompagnant de deux inédits. Voilà l’occasion d’une relecture des aventures de Gregor et Arnold.

Arnold et Gregor sont les patrons et seuls membres de l’entreprise AAA Les As de la Décontamination Planétaire. Leur expertise consiste à régler les problèmes divers et variés que les nouveaux propriétaires de planète rencontre en prenant possession de leur bien. Car la galaxie est vaste et tant entreprises que particuliers peuvent acquérir son gros caillou dans l’espace.

Sauf que les contrats qu’ils signent sont parfois perclus de clauses qui leur portent préjudice, que la galaxie foisonne d’espèces aux caractéristiques les plus inattendues et surtout que Arnold a tendance à acheter n’importe quel gadget sans vraiment en comprendre le fonctionnement.

Le recueil contient huit nouvelles, toutes concernant le duo d’entrepreneurs un peu poissard. Elles sont proposées dans leur ordre de publication original et celles qui avaient déjà été publiées en français bénéficient d’une nouvelle traduction. A chaque fois, on voit la promesse d’un gain facile pour l’entreprise jusqu’à ce que la réalité rattrape le duo et que les choses se corsent sévèrement. Une bonne partie des problèmes découlent de machines prétendument incroyables qu’Arnold achète pour une bouchée de pain et qu’il active sans trop prendre le temps de lire en entier le manuel d’emploi, si ce dernier existe. Et s’il doit mettre la main à la patte pour résoudre le soucis, une bonne partie des avanies s’abattent sur Gregor, dont on peut se demander comment il supporte encore son associé.

On est dans une vieille SF, sept des huit nouvelles datent des années 1950, où n’importe qui peut s’acheter sa planète, où l’on se balade d’un monde à l’autre avec un vaisseau quelconque en quelques jours et où l’univers foisonne d’espèces, sentientes ou non, de toutes sortes. Avec une approche qui n’est pas très orientée science mais plutôt vers l’humour et l’étude du caractère humain. Car on voit quelques belles illustrations de sacrées défauts humains : la précipitation, l’insouciance, la capacité à oublier ce qui arrange, et surtout la cupidité. Cette dernière est présente dans une bonne partie des textes de ce recueil, avec un Arnold qui cherche toujours la « bonne » affaire pour faire un gain « facile ».

La plume de Sheckley rend tout ça très bien. Il met juste ce qu’il faut en terme de description, avec des espèces aux noms improbables qui stimulent l’imagination. Il a un art du dialogue qui rend vivant les échanges entre les personnages, notamment dans les moments de tension, quand le duo découvre le pot aux roses qui va réduire en cendre leurs espoirs d’une rémunération confortable.

J’ai pris beaucoup de plaisir à relire et redécouvrir ces textes, ainsi qu’à profiter des deux inédits. Si l’ensemble est un peu daté par moment, comme la très grande majorité de la production de cette époque, je trouve que les nouvelles restent d’actualité puisqu’elles reposent surtout sur les travers humains.

Outre la nouvelle traduction et les deux nouvelles inédites, cette édition contient aussi son lot de paratexte : préface, postface, interview et petit article de l’auteur. De quoi contenter les amateurices en la matière. Je recommande vivement l’ouvrage à tous celleux qui n’ont pas encore eu l’occasion de gouter à la plume et l’humour de Robert Sheckley, il reste un grand nom dans ce domaine.

Deux hommes dans les confins
de Robert Sheckley
traduit par Leo Dhayer
illustration de Xavier Collette
éditions Argyll
195 pages (grand format)

disponible en numérique chez 7switch

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