La Finlande dans la seconde guerre mondiale, de Louis Clerc

Les conflits engageant plus de deux pays ont généralement une chronologie un peu à géométrie variable car la guerre commence et se termine rarement à la même date pour tout le monde. C’est particulièrement vrai pour la seconde guerre mondiale, vu le nombre de belligérants concernés et leur répartition géographique. On peut même trouver des pays pour lesquels la guerre s’est faite en plusieurs fois, comme la Finlande pour laquelle on peut carrément considérer qu’il y a eu trois guerres différentes. C’est ce sujet que se propose de creuser ce livre, écrit par un professeur d’histoire contemporaine enseignant en Finlande.

Comme d’habitude dans les bouquins historiques, on revient en arrière pour comprendre pourquoi on en arrive là. L’auteur commence donc par résumer un peu l’histoire de la Finlande dans les décennies précédant 1939. En particulier pour rappeler son statut d’ancienne dépendance de la Russie et donc du rapport compliqué qu’entretient ce pays avec son voisin soviétique.

Puis on voit arriver la première de ces trois guerres et la plus connue chez nous : la guerre d’Hiver. Un conflit dans lequel le Petit Poucet finlandais essaie de ne pas être croqué tout cru par l’Ogre soviétique et qu’on a pas mal mythifié. Clerc fait le très bon rappel que conflit est perdu à la fin par les finlandais. Et il va même plus loin en cassant pas mal l’image de l’armée finlandaise pendant ce conflit. Car si elle remporte quelques belles victoires, elle fait aussi la preuve de diverses lacunes dès le début.

On voit ensuite la difficile période de pays qui suit cette défaite. La façon dont le pays s’adapte à une perte territoriale importante et les options diplomatiques et géopolitiques qui s’offrent à lui.

Puis c’est le début de la guerre de Continuation, conflit probablement connu chez nous seulement par les amateurices de la seconde guerre mondiale. Je ne sais pas trop quelle proportion du grand public sait que la Finlande a combattu au coté de l’Allemagne nazie.

L’auteur explore beaucoup cette période assez complexe et montre la situation un peu étrange de cet allié qui n’en est pas complètement un pour l’Allemagne nazi et en même temps face auquel l’Union Soviétique ne concentre pas forcément tous les moyens à sa disposition. De tous les alliés du Troisième Reich, la Finlande est vraiment celui qui aura disposé de la plus grand latitude dans ces décisions, tant militaires que politiques. Et l’ouvrage explique bien les raisons qui mènent à cette situation.

Toujours est-il qu’à un moment les affaires finissent par mal tourner pour la Finlande qui s’engage non seulement dans une négociation avec l’Union Soviétique mais en plus se retourne contre son allié allemand, déclenchant ainsi la guerre de Laponie.

Enfin, on termine avec la sortie de la guerre et la « neutralisation » de la Finlande. Puis l’auteur parle un peu de l’aspect historiographique et mémoriel.

Si je connaissais ces trois guerres, je dois reconnaître que mes connaissances sur les deux dernières étaient très, très fragmentaires. J’ai donc beaucoup appris de ce côté. Mais même sur la guerre d’Hiver, j’ai apprécié que l’auteur aille plus loin que l’image qu’on a beaucoup entretenu sur le sujet et qu’on a encore ressorti plusieurs fois depuis le début de la guerre en Ukraine. Oui, la Finlande a infligé quelques revers vraiment humiliants à l’Union Soviétique. Mais non, leur armée n’était pas exempte de nombreux défauts et lacunes. Et surtout à la fin c’est l’URSS qui l’emporte. On voit d’ailleurs bien comment se joue cette fin de premier conflit, tant du côté finlandais que du côté soviétique.

Sur la suite, tout l’éclairage sur le grand jeu d’équilibriste finlandais est passionnant. Avec une Finlande qui veut reprendre ses terres perdues face à l’Union Soviétique mais sans trop s’engager non plus auprès d’un allié allemand qui peut s’avérer encombrant. Mais en devant quand même faire un minimum, ne serait-ce que pour profiter de son aide économique. Bref, c’est compliqué mais c’est fort bien expliqué.

Au fil de son ouvrage, Clerc explore aussi la complexité de la société finlandaise et son évolution pendant la guerre. Les différents mouvements politiques, les minorités ethniques, l’économie… On a vraiment un portrait complet de ce pays pendant la seconde guerre mondiale. Jusqu’à la question du traitement des juifs, sujet épineux que plus d’un a essayé d’oublier après-guerre.

Voici donc un très bon ouvrage sur un sujet qui sort un peu des sentiers battus concernant la seconde guerre mondiale. C’est écrit par un historien qui connait vraiment son sujet et qui sait en faire comprendre toute la complexité. Un livre qui arrive à expliquer le numéro d’équilibriste presque improbable réussi par ce pays, tout en n’occultant pas que s’il y a du talent personnel de nombreux personnages en jeu, la géographie a aussi son importance, la Finlande se situant un peu aux marges des grands théâtres d’opération. Un exploit qui était très probablement hors de portée des autres pays européens, pour une simple question de place sur la carte. Bref, je le recommande vivement.

La Finlande dans la seconde guerre mondiale
de Louis Clerc
éditions Perrin
380 pages, dont notes, bibliographie et index (grand format)

disponible en numérique chez 7switch

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