Le temps passe et la collection Champs de bataille des éditions Perrin s’agrandit petit à petit. Nous voici rendu au neuvième volume, avec une nouveauté puisqu’il s’agit du premier volume qui n’est pas consacré à une bataille terrestre. Cette fois, il est question d’affrontement dans les airs.
Je pourrais dire simplement qu’il s’agit d’un volume de la collection Champs de bataille donc c’est bien et m’arrêter là. Mais ce serait un peu court. On retrouve les marqueurs de la collection : l’avant, le pendant, l’après, la mémoire, plus un cahier de cartes couleurs au milieu et un marque-page faisant office de chronologie et de légende. On trouve aussi des extraits de témoignages des acteurs, des grands décideurs aux simples exécutants, qui permettent de se donner un commencement d’idée de ce que furent ces combats pour ceux qui les vécurent.
Un point que je crois ne pas avoir encore abordé ici sur cette collection (et si c’est déjà le cas, une redite ne fera pas de mal) : tous les titres de parties, chapitres, sous-chapitres, les numéros de pages et les entêtes sont imprimés dans une même teinte de gris tirant un peu sur le vert qui permet de les distinguer visuellement du corps du texte sans que l’écart chromatique soit très important au point d’être gênant. C’est ni trop, ni trop peu. Personnellement, ce choix me plait depuis le premier volume et à chaque nouvel opus de la collection je me félicite de cet équilibre.
L’un des points intéressants de l’ouvrage concerne les limites chronologiques de la bataille. Sur un affrontement à l’ancienne comme Crécy ou Pavie, on cerne très bien la délimitation temporelle de la bataille. Pour un Gettysburg c’est encore simple. Sur Verdun on peut placer facilement un début mais la fin est déjà plus floue. Ici, on est dans un cas où il est clairement un poil compliqué de placer des bornes à une campagne qui s’est étalée sur plusieurs mois. Néanmoins, il y a quand même des choses à dire à ce sujet.
Outre les décideurs et les exécutants, l’auteur s’attarde aussi un peu sur le matériel. Car si dans toutes batailles l’armement à son importance, dans le cas d’un affrontement aérien cette dimension matérielle et même ici mécanique et technologique est de première importance. Sans le chasseur à long rayon d’action P-51 Mustang, la bataille n’aurait presque pas de raison d’avoir lieu. Foucrier n’hésite pas aussi à parler chiffre, tant sur les effectifs engagés que sur les pertes. Et ces dernières sont très importantes. L’auteur revient plusieurs fois sur la quantité d’appareils perdus, notamment les bombardiers alliés. Des chiffres dont les amateurices du conflit connaissent souvent déjà l’ordre de grandeur mais qui sont probablement inconnus du grand public.
L’auteur n’oublie pas non plus d’évoquer les dégâts des bombardements, non seulement matériels mais aussi les nombreuses victimes civiles. Et la question de ces dernières n’est pas totalement absente des réflexions de certains décideurs… mais restent secondaires devant l’objectif final.
Tous ces chiffres occupent une place centrale dans le récit et à raison : l’objectif des alliés est une attrition numérique de la Luftwaffe pour la rendre inopérante dans le ciel européen au moment du débarquement en Normandie. C’est donc véritablement une bataille de chiffres que se livrent les deux camps. Et c’est une qualité de l’ouvrage de bien le faire sentir sans pour autant ne jamais oublier la dimension humaine. C’est notamment là que le concept de la collection s’avère pleinement bénéfique : en voulant donner la parole aux témoins des événements, on est obligé de revenir à hauteur d’individu dans une gigantesque machine à broyer des vies par milliers. Une perspective salutaire.
Personnellement, je m’intéresse à la seconde guerre mondiale depuis plus de trente ans. Ça ne fait pourtant qu’une dizaine d’années que je connais l’existence de cette bataille – qualifions-la ainsi pour l’occasion. Méconnue et pourtant décisive, terme souvent galvaudé dans l’histoire militaire, elle est un bon exemple de la complexité et de la richesse du plus grand conflit de l’histoire.
Ce livre est donc un nouvel opus très satisfaisant dans une collection qui ne m’a pas déçu. L’auteur sait présenter son sujet – bien méconnu du grand public et même d’une partie des amateurs du domaine – et son importance, en maniant les chiffres mais sans perdre de vue les humains, militaires et civils, au cœur de cette bataille. Une belle réussite.

Le ciel du Reich 1944
de Jean-Charles Foucrier
éditions Perrin / Ministère des Armées
258 pages, plus notes, bibliographie et index (format moyen)
disponible en numérique chez 7switch