Après avoir lu un ouvrage sur la guerre de Succession d’Espagne, puis deux autres consacrés à la bataille de Malplaquet, étrange défaite qui arrangea plus le perdant que le gagnant, j’ai retrouvé dans ma bibliothèque un autre livre qui parle cette fois de la bataille de Denain, la dernière grande bataille de ce conflit.
Nous sommes en 1712, trois ans après la bataille de Malplaquet qui avait donné un premier coup d’arrêt aux incursions des alliés dans le nord de la France. Le royaume de France est toujours empêtré dans la guerre de Succession d’Espagne, conflit qui dure maintenant depuis une dizaine d’années. Et si l’état qu’incarne un Louis XIV vieillissant n’en peut plus, certains de ses adversaires commencent aussi sérieusement à fatiguer.
L’auteur commence d’abord par revenir sur la genèse du conflit, avec tout le problème posé par la succession d’un royaume d’Espagne qui apporterait de nombreux atouts à celui qui parviendrait à mettre la main dessus. Il fait un résumé de certaines des campagnes de ce conflit, afin d’arriver à la situation au début de l’année 1712. On voit donc bien que la France n’est toujours pas sortie de l’ornière et si l’alliance commence sérieusement à battre de l’aile en face, il y a encore largement ce qu’il faut de moyen pour espérer faire plier le Roi-Soleil.
Lesage fait ensuite le récit des événements qui émaille les mois précédents, notamment les tractations secrètes entre France et Angleterre, qui vont conduire cette dernière à devenir complètement passive dans le conflit. Puis on voit la nouvelle campagne du Prince Eugène pour tenter de s’ouvrir enfin la route de Paris, après des années d’essais infructueux. En face, on suit les hésitations, doutes et tergiversations tant de Villars qui dirige les troupes françaises et de ses subordonnées que du roi et de ses conseillers.
S’en suit le récit de mouvements de troupes assez nombreux, où chacun essaie de comprendre où veut aller l’autre et comment le contrer. Tout fini par s’accélérer dans la deuxième quinzaine de juillet pour aboutir à une bataille dont l’action proprement dite occupe un nombre de pages finalement très restreint dans l’ouvrage.
On est là presque sur un paradoxe : la bataille semble très importante et pourtant on passe beaucoup plus de temps sur ce qu’il se passe avant et ce qu’il advient après. Et il y a là, je pense, une leçon très importante sur l’art militaire. Une bataille est le résultat d’événements qui y conduisent et sans lesquels elle n’aurait pas lieu. Les actions diplomatiques, la préparation des troupes, le mouvement de ces dernières, la reconnaissance des positions adverses, etc. sont autant de facteurs qui participeront au dénouement de la bataille. Les actions des acteurs sur le champ de bataille sont bien sûr importantes, mais elles ne peuvent se produire que dans un cadre fixé par les événements précédents.
L’après bataille est tout aussi important. Car une victoire n’est rien sans une bonne exploitation. Malplaquet en était un très bon contre-exemple, puisque les alliés n’arrivent pas à exploiter la victoire que leur concèdent les troupes françaises. Cette fois, c’est tout le contraire et on voit comment Villars parvient à enchaîner les prises de ville face à un Eugène de Savoie à la peine.
La bataille ne peut avoir lieu sans tout ce qui y mène mais elle n’acquière une importante que par ce qui en découle.
J’en profite pour coller un taquet au discours « il faut une solution diplomatique plutôt que militaire », qui ressort régulièrement à l’heure actuelle sur le conflit en Ukraine. La victoire militaire française à Denain est notamment possible parce que la diplomatie aura en amont permis de sortir du conflit l’Angleterre et en portera ses fruits sur l’action diplomatique en aval qui finira par mener aux traités terminant ce long conflit.
La fin de l’ouvrage est consacrée à la mémoire de la bataille, dont l’auteur montre qu’elle a été très fluctuante, en étant relativement célébré à une époque avant de sombrer littéralement dans l’oubli. Enfin, il termine avec l’évocation des lieux tels qu’ils sont aujourd’hui et où les lecteurices curieux pourront se promener.
L’ouvrage a une trentaine d’années et on sent un peu son âge par moment. On voit aussi que l’auteur n’est pas un historien professionnel, notamment par sa façon d’utiliser du possessif à la première personne à plusieurs occasion. L’ouvrage n’est donc pas sans défaut. Cependant, je le trouve dans l’ensemble assez intéressant, notamment par son détail des mouvements et des hésitations précédents la bataille ainsi que dans l’évocation de ses conséquences. Ça fait tout de même une bonne lecture en attendant que quelqu’un écrive peut-être à nouveau sur le sujet.

Denain (1712)
de Gérard Lesage
éditions Économica
162 pages, dont annexes, chronologie et bibliographie (grand format)