Dan Abnett est un auteur qui a abondement contribué à l’univers Warhammer 40.000 par les très nombreux romans qu’il a écrit dans ce contexte. Personnellement, j’ai surtout lu sa trilogie centrée sur l’inquisiteur Eisenhorn, puis celle sur l’inquisiteur Ravenor. La première a été publié de 2001 à 2002 et la seconde de 2004 à 2007. L’auteur s’est ensuite occupé d’autres ouvrages avant de livrer un Pariah : Ravenor versus Eisenhorn en 2012. Ce roman est par la suite devenu le premier de la trilogie Bequin lors de la parution en 2021 de Pénitente, deuxième volume de cette trilogie. Mais dans l’intervalle, l’auteur avait livré un livre supplémentaire sur Eisenhorn en 2018 : Magos. J’ai décidé de faire le détour par cet ouvrage avant de commencer la trilogie Bequin.
Magos est un recueil composé de onze nouvelles parues initialement entre 2001 et 2018 et du roman du même nom, publié directement dans ce recueil.
On commence avec Pestilence, une nouvelle qui ne semble pas vraiment relié à Eisenhorn, mais qui se lit sans déplaisir. On suit un médecin qui cherche le remède à une épidémie qui ravage plusieurs mondes et rappelle une maladie passée. Le protagoniste essaie d’entrer en contact avec l’un des survivants de la précédente épidémie pour essayer de comprendre ce qu’il s’était passé. Mais ce dernier est retenu dans une institution un peu particulière. L’histoire est assez classique mais c’est bien mis en scène, avec la petite pirouette finale qui va bien. J’ai aussi apprécié ce texte parce qu’il utilise bien certains des éléments que j’aime dans cet univers. On y a bien la sensation qu’il s’y mène des campagnes militaires vastes et importantes et pourtant dans des endroits dont on a l’impression de n’avoir jamais entendu parler, appuyant bien sur la dimension spatiale importante de cet univers. J’ai aussi aimé le fait que l’on ressent bien la dévotion et la foi du narrateur en son système et son empereur.
On retrouve enfin Eisenhorn avec La transgression de Maître Imus. Un texte pas très long, où l’inquisiteur est extérieur au point de vue du récit. Celui-ci est focalisé sur un petit bureaucrate qui tient à dénoncer une chose qui lui semble contre-nature. Là aussi, j’ai trouvé intéressante la dévotion dont fait preuve le protagoniste, qui semble prêt à subir un châtiment extrême tout en étant bien décidé à dénoncer les faits qui pourraient déclencher le dit châtiment. J’ai aussi apprécié l’abord inhabituel de ce texte, où l’on peut légitimement douter de la menace évoquée, tant on semble s’éloigner des enquêtes de l’inquisition le plus souvent mises en scène. Mais, comme l’on dit, le diable est parfois dans les détails.
Eisenhorn prend un rôle plus central dans Regia Occulta, où on le voit s’ennuyer un peu sur une planète qu’il visite. Mais quand les autorités locales lui demandent son avis, le voilà embarqué dans une affaire qui va vite relever de ses compétences et attributions. J’ai trouvé le texte plus classique que les deux précédents, mais sympathique à lire. Son principal intérêt pour moi réside dans le regard que porte un Eisenhorn vieillissant sur ses premières années professionnelles.
On retrouve un peu la même mécanique dans Portés disparus. Eisenhorn est amené à s’occuper d’une affaire imprévue. Cette fois, il est un peu plus avancé dans sa carrière, puisqu’il a une équipe autour de lui. J’ai apprécié la thématique des soldats qui ne sont plus en service mais n’arrivent pas à sortir de la guerre pour autant.
Dans L’étrange disparition de Titus Endor, on s’éloigne un peu d’Eisenhorn, puisque l’on va suivre un de ses anciens collègues de ses débuts. L’inquisiteur sera évoqué à quelques reprises, dans l’esprit d’Endor qui se demandera un peu comme son ancien ami ferait face à la même situation que lui. Avec parfois aussi un pique sur le fait que son ex-collègue n’était pas équipé pour aller bien loin dans l’Inquisition. J’ai bien aimé le texte, avec son ambiance qui part un peu vers le roman noir, en suivant cet inquisiteur qui semble bien pataugé dans une étrange affaire. Je regrette juste la fin qui a été un petit peu abrupte à mon goût.
On change à nous de point de vue avec La curiosité, un texte dans lequel l’inquisiteur n’apparaît pas du tout. On y suit Valentin Drusher, un spécialiste de l’environnement qui vient de passer plusieurs années à référencer toute la faune d’une planète. Mais la rumeur de la présence d’un monstre dans un coin reculé l’intrigue. Se pourrait-il qu’il ait réussir à louper un super-prédateur ? Le point de vue du personnage est intéressant et on sent bien ses récriminations : sur le fait de ne pas avoir un boulot digne de ses compétences, d’être coincé sur cette planète, etc.
Dans Jouer de patience, on voit comment Patience Kys va intégrer l’équipe de Ravenor. Le texte est sympa à lire, l’alternance de point de vue fonctionne bien. Et on y croise des gens détestables à souhait à qui il va arriver des bricoles pas agréables mais qui feront bien plaisir à lire. C’est la nouvelle la plus longue du recueil.
On retrouve Ravenor dans Aiguillon Requiert Éperon, un texte où son ancien mentor fait aussi son apparition. La structure du texte est pas mal et j’ai bien aimé le concept de secte évidemment maléfique et complètement délirant.
Dans Les jardins de Tycho, on suit à nouveau Valentin Drusher, le magos vu précédemment. Il est à nouveau happé par une enquête, en compagnie de son amie Germaine Macks. Et bien sûr, le mystère à éclaircir ne se limite pas au domaine de la faune et de la flore ordinaire. J’aime bien retrouver le personnage de Drusher, avec son insatisfaction permanente sur sa condition.
C’est au tour d’Eisenhorn de revenir au centre de l’histoire avec Une image traîtresse, un texte où l’on suit directement son point de vue à la première personne. L’inquisiteur se rend à une vente aux enchères où un objet bien particulier a attiré son attention. Ça va évidemment aller plus loin et je trouve le texte assez riche en événements et information par rapport à sa taille.
Eisenhorn à nouveau dans Perihélion où on le voit assister à une sorte de congrès qui part rapidement dans le décor. C’est l’occasion d’une nouvelle rencontre avec Ravenor et ce dernier révèle à son ancien mentor le prix qu’il paie pour la résolution des problèmes déclenchés par la conclusion de la trilogie qui le concerne. J’ai apprécié qu’un élément de l’intrigue s’avère comme une sorte de fausse piste.
Enfin, le roman qui donne son nom au volume : Magos. Un roman dans lequel on retrouve évidemment Valentin Drusher, toujours magos, toujours coincé sur Gershom et toujours insatisfait de sa situation. Les ennuis reviennent toquer à la porte, en compagnie de Germaine Macks évidemment. Et cette fois, on change d’échelle au niveau des problèmes. On retrouve aussi Eisenhorn avec son équipe.
Le récit est assez bien rythmé, Drusher a quelques fulgurances qui justifient sa participation à l’enquête. On a des horreurs tapies dans les ténèbres. Des méchants très méchants. Quelques surprises. Un Eisenhorn qui sent bien la fatigue. Bref, tout ça s’agence assez bien, on voit que Dan Abnett a du métier.
Deux choses paraissent assez évidentes avec ce roman. D’une part, il sert de point de convergence de tous les récits qui précèdent dans ce volume. On y retrouve bien sûr Valentin Drusher, mais aussi des éléments, des allusions, etc. issus des autres textes. D’autre part, ce livre semble servir plus ou moins de prélude à Paria, ce que la chronologie fourni en fin de volume confirme plus ou moins.
J’ai bien pris plaisir à la lecture de ce roman. Suivre la majeure partie de l’intrigue par le regard de Valentin Drusher permet de s’éloigner légèrement des horreurs et d’adopter un point de vue plus proche de la normalité, même si ce que l’on croise est bien évidemment rempli de trucs à faire se dresser les cheveux sur la tête. C’est aussi plaisant de voir le magos évoluer sur certains plans tout en restant bien lui-même sur d’autres.
Dans l’ensemble, j’ai apprécié ce recueil. Les nouvelles sont un peu aléatoires, mais je n’y ai rien trouvé de vraiment mauvais et certains textes étaient vraiment fort plaisants à lire. Le roman lui-même a un peu un aspect collection de bric et de broc en terme de références, mais son intrigue tient bien la route toute seule, donc cet aspect n’est pas vraiment gênant. Je vais pouvoir maintenant me lancer dans la série Bequin et voir ce qu’il advient tant d’Eisenhorn que de Ravenor.

Magos (The Magos & The Definitive Casebook of Gregor Eisenhorn)
de Dan Abnett
traduit par Félix Huet & Nathalie Huet
illustration de Johan Grenier
éditions Black Library France
680 pages (format moyen)