Les héros, de Joe Abercrombie

Après une trilogie de La première loi d’un bon niveau puis un Servir froid plutôt décapant, Joe Abercrombie continue l’exploration de son univers de fantasy par un autre roman isolé. Intitulé Les héros, ce joli pavé ne raconte pas une grande quête ni l’histoire d’une longue vengeance mais simplement les trois jours d’une bataille.

Bien que se passant dans le même univers que ses autres romans, et quelques années après Servir froid, Les héros peut se lire indépendamment. Le lecteur qui se frotterait pour la première fois à la plume d’Abercrombie ne profitera pas de certains clins d’œil, mais tous les personnages et les situations sont introduits de façon à ne pas gêner le néophyte. Ceci est aussi fort pratique pour le lecteur qui aurait lu les autres livres mais dont les souvenirs seraient un peu flous.

Pour une fois, Abercrombie démarre l’ouvrage par la présentation des protagonistes sous forme de liste, comme on peut le trouver dans certains cycles de fantasy. Si l’idée d’un livre ne racontant qu’une bataille durant trois jours pouvait faire craindre un simple assemblage de scènes d’action sans fin (à l’image du Livre des abysses de Sykes), on est rapidement rassuré : l’auteur compte bien nous servir quelques bouts d’histoires avec de vrais morceaux de personnages dedans et de quoi se reposer un peu entre deux massacres. D’ailleurs, tous les personnages ne sont pas venus simplement pour se battre, chacun a son projet, une ambition personnelle ou une chose à prouver. Le tout proposé avec une écriture qui se lit aussi bien que dans son précédent roman, les pages tournent, les chapitres défilent sans soucis.

Si Servir froid avait un certain parfum de western, tendance spaghetti, voire de film de Hong Kong, Les héros lorgne plutôt du côté du film de guerre, avec le schéma classique « présentation, bataille, destin des survivants » émaillé de réflexion sur l’absurdité de la guerre et parsemé des figures usuelles : les nouvelles recrues, les vieux briscards, le lâche, l’incompris, le fils d’un guerrier célèbre, le gradé sans cœur, etc. Certains chapitres feraient d’ailleurs de très belles scènes cinématographiques, je pense notamment à celui où l’on suit le chemin d’un ordre, du haut commandement au simple soldat en voyant toutes les réinterprétations dont il peut faire l’objet en cours de route.

Abercrombie illustre assez bien la citation de Clausewitz « La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens », en particulier par la présence du personnage de Bayaz, déjà aperçu dans La première loi et dont on sent aussi l’ombre planer sur Servir froid. On en finit par se demander si la victoire sur le champ de bataille a une quelconque importance.

Les héros est donc encore un bon cru servi par l’auteur britannique. Suffisamment lié au reste de son œuvre pour faire plaisir au fan tout en étant assez accessible au néophyte, d’une lecture plaisante et entraînante, ce bon pavé avec une belle couverture dans la lignée des précédents va rejoindre ses petits camarades dans le rayon des bons livres de fantasy. En attendant le prochain.

Les hérosLes héros (The Heroes)
de Joe Abercrombie
traduit par Juliette Parichet
illustration de Didier Graffet & Dave Senior
éditions Bragelonne
669 pages (grand format)

Si vous voulez vous engager, n’hésitez pas.

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6 réflexions sur « Les héros, de Joe Abercrombie »

  1. J’avoue qu’avec « La première loi », je suis devenu plutôt client de ce qu’écrit Abercrombie.
    Et j’ai donc déjà « Servir froid » et « Les héros » sur ma PAL. En attendant « Red Country »… 😉

    « Les héros » semble avoir (au vu des critiques) un peu moins convaincu que « Servir froid » cela dit… Mais bon, ça ne peut pas tomber aussi bas que « Le livre des abysses »… Mouarf, j’en pleure encore…^^

    1. Je pense qu’une partie du problème vient du fait que c’est différent de Servir froid. J’avoue que j’étais un peu inquiet avant de m’y lancer, par peur justement que trois jours de bataille ce soit un peu monotone et trop rempli de têtes qui volent et de bras arrachés. Au final, je trouve que c’est assez équilibré comme ouvrage, mais faut aimer les films de guerre. 🙂

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