Pourquoi Hannibal n’a pas pris Rome, d’Éric Tréguier

J’ai déjà parlé ici des ouvrages de la collection Mystères de guerre des éditions Economica, qui s’intéresse aux possibilités (ou à l’absence de ces dernières) de déroulement alternatif des événements lors de conflits. Après l’absence d’assaut de l’Axe sur Malte et le ratage allemand lors de la course à la bombe atomique, je vais cette fois faire un tour dans un passé plus lointain : celui de la deuxième guerre punique et de son énigme centrale : pourquoi Hannibal n’a-t-il pas pris Rome ?

La deuxième guerre punique s’ouvre par une série de victoires impressionnantes de la part du général carthaginois Hannibal Barca : le Tessin, la Trébie, le Lac Trasimène et enfin Cannes, l’un des pires désastres militaires de l’histoire romaine. Après cet enchaînement qui marque à jamais l’histoire militaire, notamment la dernière bataille qui a fait rêvé des générations de généraux, pourquoi Hannibal n’a pas marché sur Rome, pris la ville et imposé une paix à l’avantage de sa cité ?

L’auteur commence par présenter le contexte, les forces en présence et la raison du déclenchement du conflit. Il propose ensuite un résumé des opérations menant jusqu’à la victoire d’Hannibal à Cannes. Arrive alors le moment où le carthaginois ne marche pas sur Rome, ce qui donne d’ailleurs droit à une belle réplique probablement apocryphe de l’un de ses subordonnées. Et finalement, s’il est toujours possible de se lancer dans des spéculations improbables pour produire des uchronies, les explications de Tréguier sont plutôt convaincantes. Hannibal n’a pas marché sur Rome, d’une part parce qu’il n’en avait pas vraiment la possibilité, d’autre part parce que ça n’était pas son objectif.

Ce dernier aspect est vraiment important et l’auteur l’explique bien. Les différences de cultures de guerre entre Rome et Carthage font que les objectifs de chaque camp ne sont pas les mêmes et qu’il peut y avoir une certaine incompréhension pour les acteurs de l’époque. Cela montre aussi l’importance de ne pas calquer un point de vue moderne sur un événement passé. Pour que les choses se passent différemment, il n’aurait finalement pas « suffit » qu’Hannibal prenne une décision différente. Il aurait aussi fallu que la culture dont il est issu soit différente, plus proche de la culture romaine, que la politique carthaginoise soit différente, moins méfiante vis à vis de ses commandants militaires, etc. Bref, le point de divergence d’une uchronie crédible historiquement ne se limite pas nécessairement à un choix individuel. Une leçon intéressante.

Avec cet ouvrage, pas très long comme le reste de la collection, Tréguier propose une réflexion intéressante sur la possibilité (ou non) de la divergence historique à partir d’un cas concret et célèbre. Un livre qui fait un bon complément au Histoire militaires des guerres puniques de Le Bohec.

Pourquoi Hannibal n’a pas pris Rome
d’Éric Tréguier
éditions Economica
108 pages (grand format)

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