Blood and Iron, de Harry Turtledove

Harry Turtledove est peut-être l’auteur d’uchronie le plus prolifique outre-Atlantique (et probablement l’un des plus prolifiques au monde). J’ai déjà parlé ici de son univers Timeline 191 et puisque jusqu’ici ça m’a bien plu, je poursuis ma lecture. Après le one shot How few remain et la trilogie Great War, je m’attaque donc à une nouvelle trilogie, American Empire, avec Blood and Iron.

Après plus de trois ans de dévastation, la grande guerre a pris fin. Le Nord a enfin pris sa vengeance sur le Sud après un demi-siècle de frustrations. L’Union impose alors une paix humiliante à la Confédération. Les deux côtés pansent leurs plaies et tandis que certains tentent d’aller de l’avant et de construire un monde différent, d’autres ne rêvent que de vengeance.

Turtledove commence son ouvrage par un petit résumé de la situation des différents personnages à la fin de la trilogie précédente. Voilà qui est fort bienvenue et je suis content de voir que Mark Lawrence n’est pas le seul à pratiquer la chose. On commence donc le récit quelques temps après la fin des combats. Le Nord comme le Sud se lancent dans la remise en état de leurs villes, leur économie, leur société. Turtledove trace un portrait intéressant et détaillé d’un après-guerre. On y voit donc le retour sur le marché du travail des hommes démobilisés, les femmes qui perdent le travail qu’elles avaient à l’usine pendant le conflit, les politiques de tous poils qui essaient de surfer sur la victoire/défaite et ne s’intéressent pas vraiment au reste, l’armée qui réduit ses effectifs, les vétérans qui ne voient plus le monde de la même façon, les endroits ruinés, l’inflation chez les perdants, les territoires qui restent en occupation plus ou moins réelle, etc. En bon connaisseur de l’histoire (il est docteur en histoire byzantine), Turtledove pioche allègrement dans notre après-première guerre mondiale.

L’auteur ne se contente pas d’un banal calque de l’Europe d’après-guerre sur les États-Unis. Il apporte aussi des spécificités et des idées originales. La situation des noirs dans le Sud semble bien parti pour suivre une trajectoire similaire à celui des juifs dans l’Allemagne nazie, mais Turtledove sait aussi pointer les différences. On a d’ailleurs un commentaire pertinent d’un personnage dont la famille a fui les pogroms en Russie. Tout comme dans la trilogie précédente, on voit aussi que si la situation des noirs dans le Nord est moins mauvaise que dans le Sud, cela n’a pour autant rien d’idyllique. La liberté et l’égalité ne se gagnent pas que par un trait de plume en bas d’un texte de loi.

On retrouve essentiellement les mêmes points de vue que dans la précédente trilogie. Par leur biais, Turtledove propose un spectre de trajectoires personnelles relativement varié et riche. Le volume de texte est aussi conséquent que pour les précédents volumes, dans les deux cent quarante mille mots. Mais la plume de Turtledove rend l’ensemble fluide et les pages tournent sans effort. Tout comme dans sa précédente trilogie, l’auteur sème des éléments de langue provenant de l’époque et des régions concernées (dialecte noir du Sud, mots français du Québec du côté de la Belle Province, etc.) qui donne une musique agréable à l’ensemble.

Avec Blood and Iron, j’ai replongé avec plaisir dans l’univers de la Timeline 191. Turtledove suit le fil logique de la fin de la précédente trilogie et nous présente le début d’une nouvelle ère pour cette Amérique du Nord. Une ère qui se profile rapidement comme une entre-deux-guerres. Et tout une partie de l’intérêt de cette série tient dans la capacité de l’auteur à adapter l’histoire que nous connaissons dans le contexte nord-américain. Je ne devrai pas trop tarder avant de lire le volume suivant, The Center Cannot Hold.

Blood and Iron
de Harry Turtledove
éditions Del Rey
650 pages (poche)

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