Devices & Desires, de K. J. Parker

Il y a quelques mois, j’ai terminé la trilogie Charognard de K. J. Parker. Après deux trilogies très satisfaisantes, je continue logiquement avec la troisième (et dernière pour le moment) trilogie de l’auteur : the Engineer Trilogy (la trilogie de l’ingénieur). Ce nouveau triptyque commence par Devices & Desires.

La cité de Mezentia s’enorgueillit de pouvoir fournir au monde entier des produits manufacturés de qualité incomparable et pour cause : ses secrets de fabrication sont jalousement gardés. Mais cette qualité est aussi le respect de cahier des charges très stricts, qui ne tolèrent pas les changements et les innovations non autorisées. Aussi lorsque Ziani Vaatzes tente de réaliser un jouet original pour sa fille la sanction tombe : l’ingénieur est condamné à mort. Mais Vaatzes s’enfuit et semble décider à se venger alors que la cité ne peut tolérer que l’un des siens se promène dans la nature avec la tête farcie de secrets de fabrication.

Dès la première page, je retrouve avec plaisir l’écriture de Parker, avec un personnage qui questionne un peu la pertinence de certains exercices. L’ironie et l’humour ne sont jamais loin, tout en restant dans des intrigues on ne peut plus sérieuses. La fuite de Vaatzes provoque un enchaînement d’événements qui menace de balayer des pays entiers. Il est d’ailleurs intéressant de voir de quelle façon presque anecdotique sont prises certaines décisions sur la vie ou la mort de gens. Comme-ci aucun personnage ne semblait réellement maître de l’intrigue.

L’univers que propose Parker semble toujours assez similaire à ceux de ses précédents ouvrages. La question de savoir si tout ça a lieu dans un seul et même monde peut continuer à se poser, tout en n’ayant pas vraiment d’importance. Encore une fois, l’univers dans lequel a lieu le récit n’est jamais qu’un décor qui n’existe que pour servir l’auteur et son propos. Néanmoins, certains noms et éléments rappellent un peu l’Italie de la Renaissance. On trouve aussi des éléments intéressants sur la façon dont une entité politique étend son influence par le jeu de la manufacture et du commerce.

Parker aime bien décrire de façon détaillée des mécanismes et des principes de fabrication. On est ici gâté avec le personnage de Vaatzes puisqu’il s’agit d’un ingénieur. Et il est intéressant de voir comment il tente de faire coller le reste du monde à sa vision des choses, de quelle façon il essaie d’interpréter la politique et les relations humaines sous forme de mécanisme. On retrouve d’ailleurs ce schéma avec les autres personnages, avec leurs filtres et leurs modèles personnels à l’aune desquels ils essaient de comprendre le monde. Parker est verbeuse, ce qui ne change pas de ses précédents ouvrages. Mais cette verbosité ne m’ennuie jamais parce qu’elle est toujours traitée par le prisme du personnage dont on suit le point de vue. Ainsi les descriptions s’enrichissent vraiment suivant les aspects qui intéressent le protagoniste au centre du récit à l’instant considéré. On n’est pas chez Robert Jordan qui passe son temps à décrire par le menu les tenues de tous les personnages, même si celui dont on suit le point de vue n’y accorde aucun intérêt.

La politique est évidemment bien présente dans ce livre. Non seulement la politique extérieure de Mezentia et ses interactions avec les pays environnants. Mais aussi la politique entre ces différents pays et peuples qui ne se connaissent pas toujours très bien ou au contraire sont dans un tel rapport permanent qu’ils en sont inséparables. Enfin, la politique intérieure de Mezentia. Car la cité n’est pas une unique manufacture mais l’assemblage de quantité de guildes aux intérêts divers, variés et parfois divergents. Et au sein de chaque guilde, chacun a bien naturellement ses objectifs personnels. En fait, pour les ouvrages de Parker que j’ai lu à ce jour, la politique est presque toujours un aspect du récit. Et l’auteur écrit ça toujours très bien. On retrouve aussi ce petit côté bureaucratique que les auteurs britanniques, de Pratchett à Stross en passant par Fforde ou Aaronovitch, semblent bien connaître.

Dans ses deux précédentes trilogies, je trouvais que Parker traitait aussi régulièrement de la folie et je vois ce thème s’esquisser par moment dans ce livre. L’auteur a aussi un don pour mettre en scène les personnages qui doutent. Ici, pas de personnage qui hésitent pendant cinq secondes avant de prendre une décision et de s’y tenir inflexiblement par la suite. Le doute va parfois au contraire en grandissant, le personnage hésitant de plus en plus et l’incertitude finit par le hanter. J’apprécie beaucoup cette façon de retranscrire ce trait humain.

Assez rapidement, je me suis fait une idée du plan que suivait Vaatzes et j’ai cru savoir où il semblait aller. Force me fut de constater que je trompais lourdement. L’ingénieur semble avoir une vision à long terme et je suis assez curieux de voir quel est vraiment son objectif et surtout de quelle façon il compte l’atteindre.

Avec Devices & Desires, K. J. Parker démarre de façon très satisfaisante une troisième trilogie. C’est plutôt heureux pour moi puisque j’en avais acheté les trois volumes en même temps. Il ne me reste donc plus qu’à me lancer dans la lecture du deuxième épisode : Evil for Evil.

Devices and DesiresDevices & Desires
de K. J. Parker
éditions Orbit
548 pages (grand format)

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