Un truc que les éditeurs de comics aiment bien faire, ce sont des gros events où il se passe plein de trucs, avec des one-shot et des mini-séries complémentaires et plein de tie-ins dans les autres séries (désolé pour celleux qui ne connaissent pas tous ces termes, j’essaie d’expliquer tout ça un peu plus bas). C’est généralement l’occasion de vendre un maximum de numéros, des couvertures variantes, etc. Et de redynamiser un peu les publications en modifiants éventuellement quelques trucs dans le statu quo. DC Comics n’est bien sûr pas en reste à ce niveau et sort régulièrement des events plus ou moins important. Profitant d’une réédition sous forme de compendium de l’event Dark Nights : Metal de 2017, je l’ai relu.
Un event (événement en anglais) est une histoire qui va généralement concerner plusieurs titres en cours de publication, représenter un enjeu important (souvent sauver le monde, voire l’univers ou le multivers) et avoir éventuellement des répercussions sur la suite des événements. Généralement, cet event est caractérisé par une histoire principale, qui va bénéficier de sa mini-séries propre, d’éventuelles autres mini-séries ou one-shot (numéro unique sans suite, toujours numéroté 1 parce que les numéros 1 se vendent plus outre-Atlantique), et possiblement de quelques tie-ins (numéro d’une série déjà en cours de publication mais dont l’histoire rejoint celle de l’event).
Dans le cas de Dark Nights : Metal, on a une mini-série du même nom en six numéros, deux one-shots introduisant l’event, sept one-shots formant une sorte de mini-séries, trois autres one-shots préludant la fin de l’event et huit tie-ins dans différentes séries. Soit un total de vingt-six numéros pour couvrir tout l’event. On va détailler un peu tout cela.
Le volume débute donc par les deux tie-ins Dark Days : The Forge et Dark Days : The Casting. Deux épisodes dans lesquels on voit Batman obsédé par la recherche de fréquences étranges et de métaux bien particulier. Ces deux numéros sont riches en apparitions de personnages : Hal Jordan, Mister Terrific, Mister Miracle, Duke Thomas, Wonder Woman et bien d’autres. L’event étant dirigé par Scott Snyder on trouve pas mal de références à son run sur Batman pendant la période New 52, notamment au niveau de certains métaux. Fidèle à son habitude, Batman cache diverse chose à quasiment tout le monde. Et cela pourrait bien conduire à une catastrophe.
On a ensuite les deux premiers numéros de Dark Nights : Metal. La Justice League affronte une belle menace à l’autre bout de l’univers, l’occasion d’un combat assez sympathique, puis revient sur Terre pour découvrir qu’il s’est passé quelque chose d’étrange et inquiétant à Gotham. Après divers rebondissements, le deuxième numéro se termine sur l’arrivée de la grande menace de cet event et quelques gros problèmes pour les héros.
On arrive alors à la première série de tie-ins, qui concerne les séries Teen Titans, Nightwing, Suicide Squad et Green Arrow et est intitulée Gotham Resistance. On voit donc les protagonistes de ces séries se rencontrer et s’allier plus ou moins pour essayer d’endiguer la menace de certains super-méchants sur Gotham.
On enchaîne avec sept one-shots qui nous présentent autant de version alternatives de Batman, toutes issues d’une flopée de monde aussi sombres que déprimants. (on sent que ça se lache pas mal)
Retour à la série principale, le temps d’un numéro, centré sur Superman et la difficulté pour les héros de trouver une parade à la menace qui est en train de bien tout aplatir sur sa route.
Arrive ensuite la deuxième série de tie-ins, avec The Flash, Justice League, Hal Jordan and the Green Lantern Corps et à nouveau Justice League. Cet arc, nommé Bats Out of Hell, montre l’affrontement entre les membres de la Justice League et les versions alternatives de Batman.
Le one-shot Batman Lost démarre avec un Bruce Wayne vieillissant racontant l’une de ses aventures à sa petite fille. Une histoire qui très vite montre des problèmes avec la cohérence des aventures, les souvenirs du personnage. Une plongée dans la mythologie du personnage où l’on croise des références à The Case of the Chemical Syndicate, la toute première affaire de Batman publiée en 1939, à The Return of Bruce Wayne suivant Final Crisis, ou encore Dark Knight, Dark City. Bref, ça part dans tous les sens et c’est très riche.
On revient à Dark Nights : Metal pour son quatrième numéro. Un épisode où ça se promène pas mal et où il est un peu question de la création des histoires et des univers fictifs.
On intercale à nouveau un one-shot, intitulé Hawkman Found. Où il est bien sûr question du super-héros ailé, que l’on avait pas franchement vu jusqu’ici alors qu’il en était pas mal question à différents moments de l’event. Et comme le titre le laisse supposer, y a un petit effet miroir avec Batman Lost.
Si l’on aperçoit un peu Superman et Batman dans le cinquième numéro de Dark Nights : Metal, on y suit surtout Wonder Woman qui passe par des hauts et des bas.
Un dernier one-shot avec Dark Knights Rising : The Wild Hunt, qui démarre avec Detective Chimp et son origine. Un épisode où l’on se promène entre les univers et où l’on s’aperçoit que la carte du multiverse que connaissait jusqu’ici les personnages semble incomplète.
On termine enfin avec le sixième et dernier numéro de Dark Nights : Metal. C’est la baston finale et ça se termine en posant les bases de quelques nouveautés ainsi que possiblement les prémisses de la prochaine grosse menace pour le multivers.
Bon, après avoir longuement expliqué ce qu’il y a dans ce gros event, qu’est-ce que j’en pense ? J’avais bien aimé à l’époque où il a été publié et cette relecture, plus condensée puisqu’en quelques jours seulement alors que l’event a été publié en plusieurs mois, s’est très bien passée. Il faut aimer le style de Scott Snyder, qui a un peu tendance à se prendre pour Grant Morrison en exhumant des références à des éléments plus ou moins connus de la mythologie Batman et qui est parfois un poil bavard. Cela fait que je ne suis pas certain qu’il soit facile de rentrer dans cet event si on n’a pas une certaine connaissance préalable de pas mal de choses. Certes, on peut toujours admirer les dessins et se laisser porter par le récit mais on manquera inévitablement beaucoup de références. Et si pour pas mal d’entre elles ça n’est pas un soucis, il y a quand même quelques trucs qui permettent de mieux saisir de quoi il retourne. Notamment une petite connaissance de la conception du Multiverse chez DC à la sortie de l’ère des New 52. A ce propos, je ne suis pas mécontent que DC décide de faire sauter la limite des 52 Terres, qui n’avait pas d’autre justification que l’usage de ce chiffre très symbolique chez l’éditeur.
Dans un event bien conçu, la série principale doit se suffire à elle-même et on ne doit pas avoir besoin de s’enfiler les tie-ins, one-shot et autres séries parallèles pour apprécier le cœur de l’intrigue. Mais tous ces numéros complémentaires doivent permettre d’apporter des dimensions supplémentaires permettent de profiter de choses en plus. Ici, je pense que certains one-shot sont loin d’être accessoires, en particulier les deux premiers, les deux Dark Days qui permettent de bien comprendre comment la catastrophe se déclenche. Le Batman Lost me parait vraiment intéressant en complément, si l’on est intéressé par la mythologie du personnage. Je suis moins convaincu par le Hawkman Found qui apporte certes des choses sur ce personnage, ce qui peut être intéressant pour celleux qui comme moi ne le connaissent pas très bien, mais il subit un peu la comparaison avec le one-shot précédent qui est particulièrement riche. Le Dark Knights Rising : The Wild Hunt a aussi quelques qualités, notamment la présence de Detective Chimp et l’apparition claire d’une Terre non répertoriée jusque-là, mais ne me semble pas absolument nécessaire pour l’intrigue générale.
La série de sept one-shot avec des version alternatives et sombres de Batman peut se lire avec plus ou moins de plaisir, mais je pense que ça n’ajoutera pas forcément grand chose à l’event. On est plus dans le classique bouche-trou qui permet de faire de l’argent tout en satisfaisant les fans qui veulent à tout prix que l’intégralité de la tapisserie de leur univers favori soit bien coloriée partout. Certains de ces épisodes sont bien écrits et très agréables à voir, mais je pense que c’est la partie la plus dispensable de l’event.
La première série de tie-in, Gotham Resistance, est très sympathique, avec une équipe de héros et héroïnes qui ne bossent pas ensemble d’habitude et qui doivent se débrouiller pour se supporter. J’ai notamment aimé le duo Green Arrow / Damian Wayne qui fait quelques étincelles. Ça ne contribue que très moyennement à l’intrigue globale, mais c’est assez agréable de voir comment des héros isolés et globalement sans super-pouvoirs se débrouillent face au changement de ce monde.
La deuxième série de tie-in, Bats Out of Hell, se concentre sur les membres de la Justice League qui affrontent les versions alternatives de Batman. C’est globalement plein de baston à coup de super-pouvoirs et si quelques trucs sont assez sympathiques, ça n’a pas forcément non plus une grande importance pour l’intrigue principale.
Graphiquement, c’est évidemment assez varié et s’il y a quelques numéros que j’ai trouvé un peu moyen, il y a de belles choses dans d’autres. Notamment du Stepan Šejić, Juan Ferreyra, Francis Manapul, Tony S. Daniel ou Riley Rossmo. Sur la série principale, c’est Greg Capullo, compère habituel de Scott Snyder, qui officie et qui se donne à fond.
Au-delà de la crise qui menace le multivers entier, il y a quelques trucs intéressants sur la nature des histoires et les personnages. Snyder cède un peu à la tentation du méta, notamment dans le one-shot Batman Lost, mais on en trouve aussi des éléments ailleurs. Cet event est aussi l’occasion pour l’éditeur de raccrocher un bon coup son univers super-héroïque avec celui de Sandman. Et d’ailleurs, l’éditeur en profitera pour relancer une ligne de comics autour de cet univers. La conclusion de l’event va servir aussi à DC à créer plusieurs nouveaux personnages, dont les séries seront regroupées sous l’intitulé The New Age of DC Heroes.
Le volume se conclut par une cinquantaine de couvertures alternatives, l’occasion de voir un peu de Jock, Cliff Chiang, Dustin Nguyen ou Tim Bradstreet. On a aussi quelques croquis préparatoires.
Cette relecture s’est donc bien passée. J’ai apprécié de retrouver certains éléments dont je me souvenais et j’ai eu plaisir à en redécouvrir d’autres, notamment le one-shot Batman Lost avec tout son lot de références. La série principale tient encore assez bien la route et j’ai vraiment apprécié la première série de tie-ins. Bon, toute la série des one-shots sur les Batman alternatifs a un côté assez redondant et ça sentait vraiment en en enchaînant la lecture. Graphiquement, j’ai redécouvert aussi quelques trucs et ça fait bien plaisir. Tout ça tenait en un seul volume de plus de sept cents pages. Je n’étais pas sûr de la facilité de lecture de ce pavé mais en fin de compte ça c’est bien passé, à condition de le lire en le laissant sur un support, histoire d’économiser un peu mes bras et mes poignets.
Par facile de rentrer dedans sans une certaine connaissance de quelques trucs, même si ça doit pouvoir s’apprécier sans cela. Rapport avec Hawkman, alors absent de l’univers DC. Lien avec Dream et les Endless. Et L’hypertime. On va au-delà des 52 terres. Grosse distribution. Tour de l’anti-monitor (vu ailleurs que crisis on infinite earths ?) The New Age of DC Heroes. Des couv alternatives (une bonne cinquantaine) et des croquis préparatoires. Trois ans plus tard, l’éditeur a remis le couvert, toujours avec Snyder et Capullo sur la série principale, avec l’event Dark Nights : Death Metal. S’il finit par bénéficier d’une édition équivalente sous forme de Compendium, je me laisserai peut-être tenter par une relecture.

Dark Nights : Metal – Compendium
écrit par Scott Snyder, James Tynion IV, Joshua Williamson, Benjamin Percy, Frank Tiery, Robert Venditti, Tim Seeley, Rob Williams, Sam Humphries, Dan Abnett, Peter J. Tomasi, Jeff Lemire & Grant Morrison
dessiné par Greg Capullo, Jim Lee, Andy Kubert, John Romita Jr., Ethan Van Sciver, Liam Sharp, Tyler Kirkham, Howard Porter, Doug Mahnke, Jorge Jimenez, Mikel Janín, Mirka Andolfo, Paul Pelletier, Stepan Šejić, Juan Ferreyra, Carmine Di Giandomenico, Riccardo Federici, Philip Tan, Francis Manapul, Tony S. Daniel, Riley Rossmo, Yanick Paquette, Bryan Hitch, Raúl Fernández & Alvaro Martinez
encré par Jonathan Glapion, Danny Miki, Scott Williams, Klaus Janson, Jaime Mendoza, Andrew Hennesy & Kevin Nowlan
colorisé par Fco Plascencia, Alex Sinclair, Jeremiah Skipper, Alejandro Sanchez, Wil Quintana, Jason Wright, Ivan Plascencia, Hi-Fi, Romulo Fajardo Jr., Adriano Lucas, Rain Beredo, Dean White, Arif Prianto, Tomeu Morey, Adam Brown, Jeromy Cox, Nathan Fairbairn, June Chung & Brad Anderson
lettré par Steve Wands, Tom Napolitano, Clayton Cowles, Richard Starkings & Comicraft’s Jimmy Betancourt, Corey Breen, A Larger World’s Dave & Troy, Pat Brosseau, Deron Bennett & Dave Sharpe
éditions DC Comics
757 pages