J’ai lu un vieux Philip K. Dick récemment, Les chaînes de l’avenir, et sur mon élan j’ai enchaîné avec un autre des premiers romans de l’auteur : Le profanateur. Voyons un peu de quoi il retourne.
Allen Purcell travaille dans la communication. Il dirige une petite entreprise qui fournit des scripts à l’agence de communication du gouvernement. Tout va bien pour lui. Si ce n’est qu’hier soir il a fait un détour avant de rentrer chez lui, pour boire avec quelques amis. Mais il semble s’être aussi passé quelque chose dont Purcell n’a pas gardé le souvenir.
Le futur que propose Dick dans ce roman ne fait pas vraiment rêver. Les logements sont très exigus, toute la communication est plus ou moins surveillé, des robots rodent et enregistrent tout ce qu’ils voient et entendent. Chaque immeuble a son assemblée qui régulièrement examine les éventuels infractions des locataires. Et tout cela devant suivre les principes d’un Réarmement Moral qui ne semble pas tolérer grand chose.
J’ai trouvé le roman un petit peu flou à un moment, où je n’arrivais plus trop à savoir si l’on était encore dans la réalité ou si le personnage avait dérivé dans un délire, alors que le récit ne semblait pas vouloir prendre ce chemin. Mais dans l’ensemble, je trouve que l’intrigue reste assez bien focalisée sur son propos et s’éparpille un peu moins que dans Loterie solaire ou Les chaînes de l’avenir.
On est toujours dans cette SF surannée dans sa vision du futur. Des voyages dans l’espace vers d’autres systèmes solaires qui semblent se faire aussi vite qu’un Paris-Lyon en TGV. Des machines plus ou moins intelligentes et farcies de bande magnétique. Une direction du monde qui semble reposer entre les mains de deux-trois personnes assez facilement accessibles. Bref, il y a plein de détails sur lesquels on pourrait discuter et même se lancer dans une critique en mode « franchement, tout ça n’est pas très crédible ou cohérent ». Mais je n’en vois pas trop l’intérêt : ce roman correspond à son époque.
Et il est d’ailleurs intéressant sur un point en particulier : la télévision. Une partie de l’intrigue tourne autour des messages que l’on fait passer à la population par le biais de la télévision. Cet équipement indispensable des ménages est en plein essor aux États-Unis au moment où Dick écrit ce roman. Et il est curieux de voir que le roman propose une scène avec une émission de télé franchement bidouillée, avec des intervenants qui ne sont pas qui ils prétendent être, quand on voit qu’aujourd’hui pullulent sur les écrans des personnages qui prétendent parler sur des sujets sur lesquels ils n’ont aucune expertise. Et tout ça avec un objectif de façonner l’opinion publique.
L’autre truc que j’ai bien repéré dans cet ouvrage, ce sont les séances de jugement de proximité, avec les locataires qui passent sur le grill et doivent se justifier de la moindre action suspecte, tout en pouvant être diffamé anonymement par leurs voisins. Il y a un aspect particulièrement détestable à ces situations, et le personnage principal le ressent bien.
J’ai donc passé un plutôt bon moment avec ce livre. Les petites pointes d’humour étaient appréciables aussi. Du côté défaut, je retiens surtout la femme de Purcell qui semble essentiellement passer son temps à angoisser. Mais le propos sur le contrôle de l’opinion et l’idée de casser, au sens propre comme au figuré, les idoles sont intéressants.

Le profanateur (The Man Who Japed)
de Philip K. Dick
traduit par Philippe Lorrain & Baudoin Panloup
éditions J’ai Lu
250 pages (poche)
disponible sur 7switch