Autrices incontournables en SFFF

Il y a deux ans, Vert de chez Nevertwhere avait proposé à la blogosphère et aux autres lecteurices de la toile de proposer des incontournables récents de la SFFF. L’initiative avait rencontré de très nombreux retours et j’avais moi-même, pour une fois, participé à l’affaire. Cette année, elle propose à nouveau à toutes et tous de participer à une nouvelles séries d’incontournables : les autrices de SFFF et leurs œuvres. Il y a un très fort déséquilibre dans mes lectures car je lis beaucoup plus d’auteurs que d’autrices. Cependant, j’ai réussi à en trouver largement dix, et même un peu plus histoire de tricher un peu, pas du tout pour agacer Vert, qui méritent très bien le qualificatif d’incontournables.

Je vais commencer par celle que j’ai déjà cité parmi les incontournables récents : Catherine Dufour. J’ai chroniqué, quelque part dans les recoins de ce blog, son Goût de l’immortalité, magnifique roman qui n’a usurpé aucun des prix qu’il a récupéré. J’ai aussi eu l’occasion d’écrire un peu à propos de son premier recueil de nouvelles, L’accroissement mathématique du plaisir, qui contient beaucoup de belles choses. J’ai aussi apprécié sa série de fantasy humoristique, Quand les Dieux buvaient, qui montre qu’elle a très bien intégré ce qu’elle a compris de Pratchett : on peut parler de choses sérieuses voire horribles tout en maniant l’humour. Elle écrit aussi hors du champ de la fiction, avec plusieurs ouvrages à son actif dont une Histoire de France pour ceux qui n’aiment pas ça que je recommande tout aussi chaudement que le reste. Enfin, Catherine (j’ai dû parler avec elle deux fois dans ma vie mais je pense généralement à elle par son prénom, comme si c’était une amie) est aussi quelqu’un de très bien à voir ou écouter en conférence. Non seulement parce qu’elle a beaucoup de choses intéressantes à dire mais aussi parce qu’elle le dit très bien. Bref, une autrice à lire et à écouter.

Je vous propose ensuite une autrice tout autant couverte de prix : Connie Willis. Véritable chouchou des prix Hugo, qu’elle a remporté onze fois soit plus que n’importe quel autre auteur, Willis se distingue aussi comme Dufour tant dans la forme courte que dans la forme longue. Son œuvre la plus connue est son univers temporel d’Oxford, où des historiens et historiennes utilisent le voyage dans le temps pour étudier le passé. De la nouvelle Les veilleurs du feu jusqu’au diptyque Blackout / All Clear en passant par Le grand livre et Sans parler du chien, cette série est pleine d’humour tout en manipulant avec brio l’Histoire dans ses grands traits et ses petits détails. Je trouve qu’elle une façon bien à elle de dépeindre des personnages très humains, notamment par leurs petits travers et leurs obsessions, comme dans Passage. Et c’est clairement une grande amatrice de comédies musicales et de films de l’âge d’or de la comédie américaine, comme le prouve son roman Remake. Enfin, elle est capable sous la forme courte de proposer des récits qui vont dans la SF un peu plus sombre, voire le fantastique ou l’horreur, tout en faisant montre là aussi de sa maîtrise des scénarios dignes d’être adapté par un Howard Hawks.

Sortons maintenant un peu du champ des romans et des nouvelles et partons faire un tour vers l’art graphique, plus particulièrement le manga et l’autrice que j’ai lu en premier parmi ce palmarès : Rumiko Takahashi. D’abord découverte par le biais des adaptations animées de ses œuvres diffusées par Le club Dorothée, j’ai connu son nom lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux mangas. Seule de ses œuvres disponibles à l’époque chez nous, c’est par Ranma 1/2 que j’ai commencé. Improbable série sur le genre et les arts martiaux les plus débiles possibles, ce manga est bourré de choses qui frisent le fantastique. Takahashi y montre notamment qu’elle maitrise très bien les codes dramatiques, même si ici tout tourne inévitablement à la farce. Ce n’est pas la seule de ses séries à se rattacher à l’imaginaire puisque la majeure partie de sa production en est. De Urusei Yatsura (connu en anime chez nous sous le titre Lamu) à Mao en passant par Rinne et Inu Yasha, quasiment toutes ses séries longues s’inscrivent dans le jour. Il n’y a guère que Maison Ikkoku/Juliette je t’aime qui n’en fasse pas partie, mais c’est une magnifique comédie romantique. Si la plupart de ses œuvres sont très empruntes d’humour, ce n’est pas le cas de la petite série Mermaid Forest où l’on sombre un peu dans l’horreur par moment. Enfin, je complèterai ce tableau avec les recueils de récits courts de Takahashi : Le chien de mon patron, La tragédie de P, Un bouquet de fleurs rouges et 1 or W. On trouve encore des récits qui se rapprochent de l’imaginaire mais aussi des récits plus conventionnel. Dans les deux cas, l’autrice montre bien sa capacité à peindre la vie quotidienne des japonais moyens, parfois rythmée par des petits drames qui sont pourtant de grands événements pour ses personnages. Rumiko Takahashi est une grande figure du neuvième art et pour moi une incontournable de la SFFF.

L’autrice suivante est un peu particulière. Bien que française, Aliette de Bodard écrit et publie en anglais. Et comme seulement quelques textes ont été traduit en français, la majeur partie de son œuvre n’est pas accessible aux francophones. Si elle a à son actif quelques romans, dont trois traduits en français (deux d’une série et un d’autre autre, aucune de ces deux séries n’étant intégralement disponible en français), elle a surtout plusieurs dizaines de nouvelles et novellas à son compteur, dont toute une série dans un univers de space-opera original : l’univers de Xuya. Il s’agit d’un futur alternatif dans lequel la colonisation spatiale est dominée par une culture asiatique, principalement sino-vietnamienne. J’apprécie beaucoup sa plume parce qu’elle est capable de faire sentir la complexité de son univers sans pour autant étaler d’épais pavé d’informations au milieu du texte ou en abreuvant les lecteurices de détails techniques en pagaille, tout en ayant un traitement des personnages qui les rend très humains. C’est une autrice dont il me reste encore beaucoup à lire, mais dont je sais déjà qu’elle fait partie des incontournables.

Je propose ensuite une autrice qui n’écrit pas seule et dont le prénom est assez peu connu, puisqu’elle signe avec son mari sous leurs initiales. Il s’agit de Laure Kloetzer. Sa production n’est pas très importante en terme de volume, trois romans « seulement » et quelques nouvelles, mais très marquante par sa qualité. CLEER a été une première curiosité que j’ai trouvé un peu surprenante et très agréable à lire, avec des reflets du monde du travail qui me parlaient bien, tout en ayant une trajectoire narrative un peu particulière, d’où son sous-titre Une fantaisie corporate. Le roman suivant a été une sacrée claque. Sorte d’objet littéraire non identifié, Anamnèse de Lady Star est un récit étrange, sorte de portrait en creux protéiforme du personnage nommé dans son titre. L’univers proposé était surprenant, la forme du récit variée et l’ambiance vraiment étonnante. Rien que cela suffirait à inclure Laure Kloetzer dans ce classement. Et si je n’ai pas encore lu son troisième roman, Noon du Soleil noir, il attend déjà bien au chand dans ma bibliothèque.

Je n’ai lu que deux textes, un roman et une nouvelle, de l’autrice que je propose ensuite, alors qu’elle a une production assez importante (plus d’une dizaine de romans et plusieurs dizaines de nouvelles). Mais feu Kage Baker n’est que très peu traduite par chez nous. Si la nouvelle Atlee and the long walk était très sympathique et vraiment bien écrite, c’est son roman Dans le jardin d’Iden qui lui vaut sa place ici. Premier volume d’une série dont seuls les deux premiers sont sortis en français, ce roman tente un pari assez osé. Les dix premières pages racontent une histoire sur le voyage dans le temps et l’immortalité, avec quelques idées supplémentaires assez remarquables… et ensuite à peu près tout le reste se passe dans l’Angleterre du 15e siècle avec un personnage principal qui vient d’Espagne et doit naviguer dans ce milieu particulièrement hostile aux hispaniques et aux catholiques. Et ça fonctionne. Jamais je n’avais vu un livre balancer autant d’idées fortes en si peu de pages dès le début, au point de me demander si l’autrice n’avait pas gâché un potentiel qu’elle aurait pu exploiter. Mais ça n’est clairement pas le cas. Si je n’ai toujours pas eu l’occasion de continuer cette série, je compte toujours m’en occuper un jour. Tout ça mérite bien une place dans ce classement.

Jusqu’ici, je n’ai proposé que des autrices dont j’ai beaucoup apprécié les écrits, sans expérience vraiment négative. Ça n’est pas le cas avec Nancy Kress. J’avais beaucoup apprécié son cycle des probabilités (dont je n’ai chroniqué que le premier volume, le reste s’est perdu dans les limbes des brouillons jamais terminé), mais son roman Feux croisés fut une véritable déception. Et pourtant, je l’inclus ici. Pourquoi ? D’une part parce que les autres romans que j’avais lu avant m’avait tout de même bien satisfaits, mais surtout parce que j’ai aussi eu l’occasion de lire plusieurs de ses nouvelles, dans différentes anthologies en français et en anglais, ainsi que la belle novella Le nexus du Docteur Erdmann et que j’ai trouvé tout ça très bon. Kress est une autrice qui est capable de chercher des idées de SF intéressantes, comme je les apprécie, tout en gardant un traitement humain des personnages satisfaisant. Enfin, sa production importante me laisse encore des choses probablement très intéressantes à lire, à commencer par Beggars in Spain qui semble être considéré comme l’un de ses meilleurs textes.

Parlons maintenant d’une autre autrice que j’ai découverte par le biais de l’animation. Au début des années 2000, j’ai vu une série de fantasy intitulée Les 12 royaumes (Jūni Kokki en japonais) qui m’a fait forte impression. J’en trouvais l’univers vraiment très développée pour une série du genre. J’ai alors appris que cette série était, comme beaucoup de séries d’animation, une adaptation. Cependant, pas d’un manga mais d’une série de romans. C’est ainsi que j’ai découvert Fuyumi Ono. Quelques années après la série animée, les romans furent traduits en français. Ce fut donc une joie pour moi de retrouver cet univers et les personnages qui l’accompagnent. Si j’ai choisi de placer cette autrice dans cet liste, c’est en partie pour son univers détaillé, organisé et avec des mécanismes de fonctionnement (notamment sur la gouvernance) que j’ai trouvé originaux. J’ai aussi été très enthousiasmé par la galerie de personnages qu’elle proposait. Mon principal regret est au final que les romans ne sont plus disponibles en français et qu’il parait donc peu probable que le nouveau volume qu’elle a publié il y a quelques années soit un jour traduit en français.

Je vous propose ensuite Kristine Kathryn Rusch, autrice prolifique tant sur la forme longue que la forme courte. Je ne la connais que pour la partie SF de son oeuvre, mais elle a aussi produit de la fantasy (le cycle des Fey, partiellement traduit en français), de la romance, du polar et de la littérature de licence (Star Wars, Star Trek, Roswell…) et utilisé de nombreux pseudonymes. Si je l’ai d’abord connu par un roman Star Wars assez anecdotique, La nouvelle Rébellion, elle est revenue dans ma bibliothèque par le biais de la série Les experts récupérateurs, une série de détective privée dans un cadre SF que j’avais trouvé assez enthousiasmante (mais seulement deux volumes sur quinze traduits en français). J’ai enfin recroisé l’autrice dans plusieurs anthologies en anglais et à chaque fois j’ai beaucoup apprécié son texte, notamment pour son aspect humain. J’espère pouvoir encore lire d’aussi bon textes de sa part.

Enfin, terminons cette liste d’incontournables par une autre autrice qui fait partie d’un duo littéraire : Ada Rémy. Je n’ai à ce jour lu qu’un seul ouvrage de sa plume, Les soldats de la mer. Ce recueil de nouvelles se situant toute dans le même univers fut une lecture vraiment marquante, par l’étrangeté de son cadre tout comme des récits qu’il proposait. Si je n’ai toujours pas trouvé le temps de lire ses autres ouvrages, ils sont bien au chaud dans ma bibliothèque et je finirai bien par m’en occuper un jour. Outre l’impression vive et durable que m’a fait Les soldats de la mer, et qui justifie pleinement la présence d’Ada Rémy dans cette liste, c’est aussi une personne très sympathique à rencontrer. Je l’ai croisé plusieurs fois à des séances de dédicace et il rayonne de cette femme d’un certain âge une énergie et une gentillesse qui marque tout autant que ses textes.

Faire une liste de taille limitée est toujours un peu compliquée. Il y a toujours des personnes que l’on voudrait inclure et que l’on doit finalement évincer du fait de cette limite. Et le choix que l’on fait sur qui garder et qui écarter est assez fluctuant avec le temps. Je vais donc vous proposer, rapidement, les noms de quelques autrices qui ne font peut-être pas partie de cette liste, mais qui auraient pu tout à fait y être.

Tout d’abord, Lois McMaster Bujold. Très connue pour son univers de space opera Miles Vorkosigan dont j’ai lu quasiment tous les volumes et quasiment tout le temps avec grand plaisir. Elle a aussi publié plusieurs ouvrages de fantasy, dont Le fléau de Chalion et Paladin des âmes que j’avais beaucoup apprécié.

Ensuite, il y a Becky Chambers. Avec ses deux premiers romans de space opera, The long way to a small angry planet et A closed and common orbit, elle a fait partie des belles découvertes de ces dernières années. J’ai pris un peu de retard dans ma lecture de ses productions, mais j’espère bien rattraper tout ça un jour.

Autre belle découverte récente, Arkady Martine. Son premier roman A memory called empire n’a pas suffit pour qu’elle arrive dans la liste mais il ne manquait probablement pas grand chose. Peut-être tout simplement que je me décide à lire sa suite, A desolation called peace.

Parmi les autrices très (trop) peu traduites chez nous, il y a Linda Nagata. Outre son roman Aux marges de la vision dont j’ai un bon souvenir, je l’ai aussi croisé plusieurs fois dans des anthologies en anglais et généralement avec plaisir.

Autre autrice dont je n’ai, pour le moment, lu qu’un seul ouvrage : Ann Leckie. Ancillary Justice m’a suffisamment convaincu pour que je considère son autrice comme potentielle incontournable. Je n’ai plus qu’à m’occuper de lire les deux volumes suivants pour peut-être la faire monter dans la sélection.

Sur ce blog, j’ai déjà dit du bien de Kij Johnson et de son Un pont sur la brume. J’en dirai encore du bien le jour où je me serai occupé de chroniquer La quête onirique de Vellitt Boe. Voilà qui mérite déjà un bon strapontin.

Sa lecture est trop ancienne pour que j’ai pu le chroniquer ici, mais le roman Le moineau de Dieu de Mary Doria Russell assure aussi à son autrice une belle mention. J’avais beaucoup aimé son traitement de la religion et de la foi.

Enfin, terminons ces mentions avec Martha Wells, une autrice que j’avais dans le collimateur depuis un bon moment et que j’ai fini par lire quand elle a entamé sa série Murderbot. Si je compte bien me mettre à jour sur cette série, il est tout à fait possible que je m’intéresse aussi un peu plus sérieusement à ses autres écrits.

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