Charles Stross est l’un des auteurs que je chronique le plus sur ce blog et j’ai pourtant encore quelques bouquins de sa plume dans mes lectures à venir. La dernière en date fut Dark State, nouveau volume de sa trilogie en cours dans l’univers des Princes Marchands. Voyons ce que donne cette suite à Empire Games.
Rita Douglas a appris la vérité sur sa mère. Tout du moins une partie de la vérité. De son côté, Miriam et ses alliés savent que les États-Unis connaissent maintenant leur existence. Ils doivent maintenant réfléchir à la marche à suivre. Pendant ce temps, du côté américain certains s’inquiètent de ce qu’ils trouvent dans d’autres lignes temporelles désertent. Enfin, il semble se passer quelque chose dans l’Europe dominée par l’empire opposé au Nouveau Commonwealth.
Stross démarre ce volume comme le précédent : par un résumé de la situation. J’apprécie toujours ce genre d’attention qui est bien utile quand on ne lit pas les volumes les uns après les autres. Les retrouvailles avec les différents personnages se font bien, j’ai plaisir à voir comment se débrouillent Rita et Miriam.
L’une des choses qui me fascine dans cette série, c’est la façon dont l’univers va en s’enrichissant et se complexifiant. Avec le précédent volume, la quantité de lignes temporelles accessibles explosait littéralement. Cette sensation est toujours présente, doublée d’une inquiétude grandissante sur le mystérieux portail qu’héberge l’un de ces mondes déserts. Je suppose que l’on n’aura peut-être pas la réponse à toutes les questions que l’on se pose dans le prochain volume de cette trilogie. Je subodore que Stross garde quelques trucs dans sa musette pour d’éventuels volumes ultérieurs. Cela tient un peu du défaut, mais si l’auteur résout suffisamment de fils d’intrigues dans le prochain volume (et j’ai pleinement confiance en Stross pour ça), je ne lui en tiendrai pas trop rigueur. Cet univers a beaucoup de potentiel et je préfère qu’on n’en colle pas trop dans chaque roman, surtout que ces derniers ne sont pas trop gros (légèrement au-dessus des cent mille mots).
Le travail titanesque de Miriam et ses collègues est moins mis en avant que précédemment, mais on continue quand même de voir quelques éléments sur la façon dont ils influencent le développement du Nouveau Commonwealth. J’ai noté avec un intérêt particulier le paradoxe qui consiste à s’appuyer sur la technologie de la ligne temporelle qui ressemble à la notre pour accélérer le développement et éviter certaines impasses, tout en ne suivant pas nécessairement les mêmes voix. Notamment le fait de disposer de solutions « personnelles » et de ne surtout pas dépendre d’éléments technologiques que l’on importerait, fut-ce en contrebande. La réflexion sur ce thème de développement accéléré et encadré (et qui ne se limite pas à la technologie mais concerne aussi l’aspect politique & social) est vraiment l’un des bons points de cette série. J’aime bien aussi le fait que Stross aille parfois piquer quelques idées dans des vieux projets ambitieux abandonnés chez nous et complètement oubliés.
La version que propose l’auteur des États-Unis de ces années 2020 ne fait toujours pas rêvé et continue même de m’inquiéter. Plus le temps passe et plus je trouve que l’on penche vers ce type de situation qui n’a rien d’emballant. Stross balance encore quelques piques aux bigots de diverses sortes avec des scènes qui pourraient paraître grotesquement improbables mais qui sont probablement et malheureusement un peu trop proche de la réalité. En tout cas, cela illustre assez bien la façon dont l’idéologie influe sur le comportement des personnages et peut les amener à poser des questions qui paraissent sans objet à d’autres.
Lire Dark State fut un vrai plaisir. Quelques nouveaux éléments arrivent sur l’échiquier, Stross fait avancer tranquillement ses pions tout en proposant quelques idées intéressantes. Le seul défaut de mon point de vue est que l’ouvrage termine avec un certain suspense qui fait que j’attends maintenant la suite avec pas mal d’envie.
Dark State
de Charles Stross
illustration de Neil Lang
éditions Tor
349 pages (format moyen)