Ray’s Day – Petit parcours d’un lecteur de SF

Organisé pour la première fois l’année dernière à l’initiative de Julien Simon, alias Neil Jomunsi, le Ray’s Day se veut une sorte de fête de la lecture (et pas du livre et de l’édition). L’année dernière je m’étais contenté de repartager quelques chroniques passées concernant des ouvrages qui m’avaient particulièrement plu. Sous l’impulsion de Lelf, j’ai décidé cette année d’aller un peu plus loin et de faire un article digne de ce nom. Restait à en trouver le sujet.

Puisqu’il s’agit de célébrer la lecture, il paraissait assez évident d’évoquer un peu mon expérience personnelle de lecteur. Et plus spécifiquement concernant le champ de la SF, ce genre étant l’un des deux principaux que je lis et que je chronique ici. L’autre est la fantasy, mais la SF étant arrivée en premier dans ma vie, commençons par parler de cela. Je pourrais toujours causer un peu de fantasy l’année prochaine (et hop, une idée d’article pour dans douze mois).

Cette petite évocation de mes débuts dans le genre sera aussi l’occasion de parler un peu de deux grands auteurs emblématiques de la SF et dont je n’avais pas jusqu’à présent parlé dans les billets de ce blog. Je ne vous donne pas les noms tout de suite, ça viendra un peu plus bas. Commençons par le commencement.

Quand j’ai commencé à réfléchir à ce qui a pu être mon premier contact avec la science-fiction, j’ai rapidement dû laisser tomber le champ de la littérature “ordinaire” et en remontant le temps explorer celui de la bande-dessinée. Et en allant suffisamment loin dans le passé, le titre science-fictif le plus ancien dont je garde la mémoire n’est autre que le diptyque Objectif Lune / On a marché sur la Lune, d’Hergé. Si la série Tintin dans son ensemble n’est pas très connotée SF, on pourra quand même difficilement renier ce qualificatif à un diptyque qui raconte avec dix-neuf ans d’avance (Objectif Lune est prépublié dès 1950) le premier voyage vers le satellite naturel de la Terre. La précision dans la description technique qu’applique Hergé à son récit en fait même une œuvre de hard-science, cette sous-branche de la SF qui s’attache à un récit scientifiquement et techniquement crédible. L’œuvre n’est évidemment pas exempte d’erreur, mais les bonnes “prévisions” sont très nombreuses : marche à 1/6e de g, absence de bruit car absence d’atmosphère, etc. Et la composante graphique du neuvième art a permis de laisser à l’enfant que j’étais des images assez marquantes : les bonds prodigieux sur le sol lunaire et évidemment les séquences en apesanteur avec le whisky en bulle du capitaine Haddock.

Après cette première rencontre, la suivante fut télévisuelle avec la série animée Il était une fois l’espace… Dirigée par Albert Barillé, cette série bénéficiait dans les designs techniques de la contribution d’un artiste débutant, Manchu, qui allait devenir l’un des grands noms de l’illustration de SF. Pleines de vaisseaux, de robots, d’extra-terrestres de toutes sortes et de mondes divers, cette série va me montrer ce que le space-opera peut proposer.

Mon parcours de lecteur est ensuite marqué par deux grandes séries de bande-dessinée : Valérian & Laureline et Yoko Tsuno. Deux séries pleines de belles et grandes idées science-fictives avec une richesse graphique à la hauteur. De quoi mettre des images plein la tête et de faire rêver. Pendant la même période, je lis déjà quelques livres de SF, comme La machine à explorer le temps et L’homme invisible de H. G. Wells, ainsi que divers Livre dont vous êtes le héros, mais sans que cela ne devienne une habitude.

Vient un jour où un peu par hasard je mets la main sur un livre au titre un peu curieux : Cher Jupiter, par un dénommé Isaac Asimov, qui aux dires du libraire et de ma prof de français est un grand auteur dans son genre. Et là, c’est le drame. Ce recueil de nouvelles va vite me conduire vers l’acquisition d’un gros omnibus intitulé Le grand livre des robots. Et ensuite ce sera l’enchaînement des nombreux recueils de nouvelles, avec un roman coincé entre deux de temps en temps. Deux choses, parmi d’autres, expliquent peut-être cet engouement personnel à l’époque. D’une part l’approche cartésienne et logique dans un certain nombre de textes, en particulier dans ceux consacrés aux robots. Les trois lois de la robotique vont s’inscrire au fer rouge dans mon esprit et pour l’ado féru de science que j’étais cette approche semblait parfaitement cohérente. D’autre part, dans ses recueils Asimov encadre toujours (ou presque) ses textes d’explications sur le contexte d’écriture, la façon dont il découvre le milieu de la sf, etc. Un bon moyen de créer une certaine complicité avec le lecteur qui attaque alors le texte suivant avec non seulement une curiosité sur ce que lui réserve ce nouveau texte mais aussi une sorte de suspense à propos de l’étape suivant dans le parcours de l’auteur.

En quelques années, j’ai lu quasiment toute la SF traduite en français qu’ait produit Asimov. De ses meilleures œuvres à ses pires productions, à peu près tout y est passé. Certains textes en particulier vont laisser une impression durable, en particulier la série Fondation, mais aussi Quand les ténèbres viendront, Les cavernes d’acier, L’homme bicentenaire, En une juste cause… Il y a peu, j’ai parcouru le sommaire de l’un de ses recueils et quelques souvenirs ont refait surface en voyant les titres de ces nouvelles que j’ai lu pour la première fois il y a près de vingt ans. Et les noms de Daneel Olivaw, Hari Seldon ou Susan Calvin attirent toujours mon œil ou mon oreille.

Pendant cette période, je lis évidemment d’autres genres, en particulier du policier et du thriller, mais avec Isaac Asimov la SF est passée d’un genre épisodique à une composante importante de mes lectures. Cependant, et malgré l’impressionnante production du bon docteur, le filon Asimov n’est pas inépuisable. Je dois alors trouver une autre source d’approvisionnement et je m’intéresse à un roman qui porte le même nom qu’un film de SF que j’avais vu pour la première fois quelques années auparavant : 2001, l’odyssée de l’espace. C’est ainsi que je fais la rencontre d’Arthur C. Clarke. Une nouvelle fois, c’est le coup de foudre.

Lire un roman écrit en parallèle d’un film que j’avais déjà vu aurait pu jouer en défaveur de l’ouvrage et me faire oublier assez rapidement toute idée de lire d’autres textes de Clarke. Mais le côté cryptique du film de Kubrick va jouer en faveur du roman qui apporte beaucoup plus d’explications et à l’époque ça me convenait parfaitement d’avoir des explications (aujourd’hui j’apprécie toujours autant mais j’ai appris à pouvoir m’en passer un peu). Et comme pour Fondation, 2001 disposait de suites – deux à l’époque, une troisième franchement médiocre arriva par la suite. J’ai suivi alors à peu près le même schéma que pour Asimov, acquérant un Clarke dès que j’en avais l’occasion. Encore plus que chez Asimov, je trouvais chez Clarke une rigueur dans la présentation technique et scientifique qui me convenait parfaitement. Et l’un de ses thèmes de prédilection, le premier contact, est encore aujourd’hui l’une de ces choses que j’apprécie particulièrement dans la SF. Tout comme Asimov, Clarke a des défauts que je ne peux nier, mais la place particulière qu’ils ont tous deux dans mon parcours de lecteur me procure une indulgence presque sans limite à leur égard. Au-delà de 2001 et de sa première suite, 2010, certains textes de Clarke m’ont marqué durablement, comme Rendez-vous avec Rama et des nouvelles comme L’étoile ou Haine / Flèche aux étoiles. Cerise sur le gâteau, dans le cadre de la publication d’une intégrale en français de ses nouvelles, j’ai eu la chance de traduire quelques-uns de ses textes alors inédits en français.

Après Asimov et Clarke, j’ai commencé à diversifier mes sources de SF, et le genre a pris de plus en plus d’importance parmi mes lectures – avant de céder plus tard un peu de terrain à la fantasy. Les auteurs se sont engouffrés dans la brèche, d’abord doucement en commençant par Robert Sheckley et Robert Silverberg, puis de plus en plus nombreux, tels Dan Simmons, Neal Stephenson, Stephen Baxter ou Vernor Vinge. J’étais devenu un lecteur de SF.

4 réflexions sur « Ray’s Day – Petit parcours d’un lecteur de SF »

  1. J’ai fait à peu près les même découvertes que toi, sauf que moi, les auteurs de prédilection de mon adolescence étaient plutôt Tolkien, Howard, Leiber ou Moorcock…

    Avant d’arriver à la SF bien plus tard.

    Sinon, bel article.

    A.C.

    1. Merci. 🙂
      Si j’y pense encore, je causerai de la fantasy l’année prochaine. 😛
      On a fait des parcours contraires en fin de compte.

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