La Vieille Anglaise et le continent, de Jeanne-A Debats

Aujourd’hui on va faire un peu dans la littérature française et s’intéresser à une novella publiée en 2008 par un petit éditeur, Griffe d’encre. Depuis sa parution La Vieille Anglaise et le continent s’est vu attribuer plusieurs prix à commencer par le GPI et le prix Julia Verlanger. Voilà qui a certainement donné un bon coup de pouce à la carrière de Jeanne-A Debats.
Avant d’en dire plus je tiens à préciser que je connais personnellement l’auteur qui est une amie. Cette chronique est donc à lire avec les précautions d’usage, même si je vais essayer de ne pas être trop subjectif. En passant rappelons pour ceux qui ne le saurait pas que la novella est un format qui vient d’outre-Atlantique et qui correspond aux textes trop longs pour être de simples nouvelles mais trop courts pour véritablement être qualifiés de romans.
La Vieille Anglaise c’est Ann Kelvin, une vieille biologiste et militante écologiste en fin de vie à qui Marc Sénac, un ami de longue date, vient proposer une expérience très particulière : la transplantation de son esprit dans le cerveau d’une baleine afin de suivre les populations de cétacés et repérer les chasses illégales. Le récit suit deux points de vue, d’une part Ann qui découvre sa nouvelle incarnation et les mœurs et légendes des cétacés, et d’autre part Marc qui suit par l’intermédiaire d’une balise l’évolution à travers les océans de son amie.
Au vu du thème je craignais un peu d’avoir droit à une fable écolo avec leçon de morale à la clé et happy end gnangnan en guise de cerise sur le gâteau (qui a pensé Avatar ?). Il n’en est rien. Si l’on sent les préoccupations environnementales de l’auteur, que reflètent tant Ann que Marc, Debats laisse le lecteur se débrouiller comme un grand et fait même preuve d’un certain désabusement dans sa postface. Le cynisme se sent aussi dans la fin du récit, lorsque Marc comprend d’où viennent réellement les financements qui ont permis à son organisation de développer le transfert d’esprit. Debats ne se fait pas d’illusion sur la nature humaine et n’en laisse aucune à son lecteur.
Comme d’autres lecteurs j’aurais apprécié que le récit continu un peu au-delà de son point final, afin d’en savoir plus sur certaines choses, que ce soit le continent cétacé ou les découvertes que fait Marc. Pourtant je pense que la novella est finalement la bonne longueur. Plus court le récit n’aurait pas permis à l’alchimie d’opérer entre Ann et le cétacé, plus long on finirait par en savoir trop et se retrouver dans la même impasse que dans toutes les suites de chef d’œuvre : pas à la hauteur des attentes du lecteur. En fin de compte La Vieille Anglaise et le continent s’arrête au bon moment, celui où l’imagination du lecteur a pris suffisamment d’élan et peut voler de ses propres ailes.
En plus d’un fond scientifique bien documenté, et donc crédible, et d’un côté poétique apporté par ce mystérieux continent cétacé, le récit contient aussi quelques petits clins d’œil à diverses œuvres, notamment de SF, qui n’entravent cependant pas la lecture pour ceux qui ne les verraient pas. Bref, cette novella est un petit condensé de ce que j’aime dans la science-fiction.
Enfin le format relativement court, l’accessibilité du propos et la plume agréable en font un ouvrage très accessible au néophyte à qui l’on veut montrer que la SF n’est pas que batailles spatiales et menaces venues du futur. Le présent est parfois bien suffisant.
Plus qu’un bon livre, La Vieille Anglaise et le continent est un livre nécessaire.
La Vieille Anglaise et le continent
de Jeanne-A Debats
illustration de Christophe Sivet
éditions Griffe d’Encre
84 pages

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