Légendes de la fantasy, dirigée par Robert Silverberg

Il y a bien longtemps, j’ai lu l’anthologie Légendes dirigée par Robert Silverberg. C’était une des premières antho que je lisais et j’avais été motivé par le fait qu’elle proposait des textes dans des univers déjà explorés par leurs auteurs. L’ouvrage ayant à son sommaire un texte dans l’univers du Disque-Monde de Terry Pratchett, un autre dans celui de l’Arcane des Épées de Tad Williams et un troisième faisant prélude à la Roue du Temps de Robert Jordan, je n’avais pas beaucoup hésité avant de m’y lancer. Et c’est ainsi que je découvris la Tour Sombre de Stephen King, les Chroniques d’Alvin le Faiseur d’Orson Scott Card ou le Trône de Fer de George R. R. Martin.

Quelques années plus tard, Silverberg dirigeait une seconde anthologie sur le même principe, avec quelques unes des plumes de la première et de nouveaux venus. Logiquement intitulée Legends II, cette antho a été traduite chez nous sous le titre Légendes de la Fantasy. N’appréciant pas trop les découpages à répétition de son éditeur français, qui la publia en deux volumes, je décidai de l’acquérir en anglais et l’enterrait joyeusement dans ma bibliothèque. Bien longtemps après j’ai donc fini par me décider à la sortir et à m’y plonger.

Le premier texte, Homecoming, vient de Robin Hobb et se passe dans le même univers que la plupart de ses séries, dont L’assassin royal. On y suit une expédition dont le but et de coloniser un nouveau continent. Le récit se fait par le biais du journal d’une des membres de cette expédition et on assiste aux découvertes et aux divers déboires qui parsèment l’intrigue. C’est plutôt bien fait, on voit le style du journal évoluer avec la situation, et ça ne demande pas de connaître quoi que ce soit sur l’univers déjà existant.

The Sworn Sword vient d’une autre pointure du domaine : George R. R. Martin. On part évidemment dans l’univers du Trône de Fer, avec la suite des aventures de Dunk et Egg que j’avais découvert dans la précédente anthologie. Là non plus, la méconnaissance de l’univers ne devrait gêné le lecteur. Et c’est un plaisir d’y retourner pour moi et de retrouver ce duo un petit peu improbable, qui se retrouve embarqué dans une querelle de voisinage. C’est toujours plein de personnages et de détails et j’apprécie de retrouver la plume de l’auteur, en attendant la possible suite de sa série principale.

Le troisième texte se passe aussi dans un univers que je connais déjà puisqu’il s’agit de celui d’Alvin le Faiseur d’Orson Scott Card. Comme celle de Martin, c’est une série que j’avais découvert en lisant la précédente anthologie et que j’avais apprécié. Il est donc plaisant d’avoir un nouveau texte consacré au jeune homme. On fait dans The Yazoo Queen une promenade sur le Mississippi, en compagnie d’Alvin et d’Arthur. Il sera question d’esclavage et l’on croisera bien évidemment quelques personnages historiques revus par l’auteur dans cet univers alternatif. Jusqu’ici j’ai lu cette série en français et le passage à l’anglais n’a pas posé de soucis, la plume originale de Card étant fluide et agréable à lire.

C’est avec Lord John and the Succubus que je fais ma première incursion dans un univers que je connaissais pas : celui de Outlander de Diana Gabaldon. Et disons le tout de suite, c’est une très bonne surprise. J’avoue ne pas en avoir attendu grand chose et même un peu craint de m’ennuyer avec l’un des textes les plus longs de l’anthologie. Mais l’autrice ne parle pas ici des personnages principaux de sa célèbres série mais utilise l’autre technique assez classique quand il s’agit d’écrire un texte dans un univers déjà exploité en romans : parler d’un personnage secondaire. J’ai donc fait la connaissance de Lord John Grey, officier britannique embarqué sur le continent à l’occasion de la Guerre de Sept Ans. Si l’aspect sentiment/romance n’est pas absent du récit, quoi qu’un peu compliqué du fait que le protagoniste est gay à une époque où n’était pas forcément toléré, on est surtout dans un texte de mystère historique avec un possible soupçon de paranormal. Lord John se retrouve à enquêter sur les agissements d’un possible succube alors que sa troupe attend de connaître les prochains mouvements de l’ennemi pour savoir quoi faire. J’ai vraiment pris plaisir à ce texte. La description historique était plutôt bonne, le mystère intéressant et le personnage principal tout à fait sympathique. Je trouve que l’on se rapproche un peu de la série Matthew Corbett de Robert McCammon. Bref, une belle surprise pour moi et vu qu’au moins un autre des textes consacré au personnage se trouve dans une autre antho que je compte lire, ce sera probablement un plaisir de le retrouver.

Avec The Book of Changes je reviens à un univers que je connais et qui était déjà présent dans la précédente anthologie : Majipoor de Robert Silverberg. J’ai un rapport un peu compliqué à cet auteur que j’ai pas mal lu mais dont finalement je n’ai pas trouvé beaucoup de textes vraiment plaisant. Cependant, Le château de Lord Valentin qui démarre le cycle de Majipoor est l’une des lectures de Silverberg que j’ai vraiment apprécié. Pourtant, la nouvelle qui est consacré à cet univers dans la précédente anthologie Légendes ne m’avait pas convaincu, voire un peu ennuyé. Je ne peux pas dire que j’ai été très enthousiasmé par ce nouveau texte, mais sa lecture fut quand même relativement plaisante. Néanmoins, j’éprouve une petite déception avec cette nouvelle, car le personnage principal pratique la poésie, c’est même l’aspect central du récit, mais on n’a finalement pas un seul aperçu de son art. C’est un peu dommage.

On passe ensuite à The Happiest Dead Boy in the World qui se passe dans le même univers que la série Autremonde de Tad Williams. C’est le seul auteur présent dans les deux anthologies mais exploitant un univers différent dans chacune, puisqu’il était question de L’arcane des épées dans Légendes. Ici, Williams propose de nous présenter un petit aperçu de la vie de l’un des personnages après la fin de la série. J’ai trouvé le choix fait par l’auteur assez intéressant. Il explore un peu la question de savoir ce qui définirait une vie artificielle. On retrouve assez de la richesse de son univers dans cette nouvelle et j’ai eu grand plaisir à retrouver certains des protagonistes, ça m’a même mis un peu de baume au cœur. Cependant, le texte ne nécessite pas vraiment d’avoir lu la série auparavant et s’il en dévoile quelques éléments, dont la fin, il peut quand même donner envie à son lecteur d’aller voir un peu l’univers dont il est dérivé. Ce qui me paraît quand même l’objectif premier de cette anthologie. Bref, ça me parait une réussite sur tous les plans.

On retrouve Anne McCaffrey et son univers de Pern dans la nouvelle suivante. Déjà présente dans l’antho précédente, l’autrice ne m’avait pas du tout convaincu et j’avais trouvé son texte sans intérêt et ne me donnant aucune envie d’aller explorer son univers. Cette nouvelle anthologie est l’occasion d’une seconde chance. Et Beyond Between me semble cette fois nettement meilleur. Sans me convaincre totalement de me lancer dans les nombreux volumes que l’autrice a consacré à son univers principal, cette nouvelle propose assez d’éléments intéressants pour titiller ma curiosité. Ce qui est déjà pas mal.

On arrive au dernier auteur déjà présent dans l’anthologie précédente, avec Raymond E. Feist. Sa nouvelle précédente m’avait semblé assez faible, alors que je connaissais déjà un peu son univers. Avec The Messenger, je trouve qu’il s’en sort un peu mieux. L’histoire en elle-même a un aspect un peu anecdotique mais présente quelques éléments de l’univers de Midkemia pour ceux qui ne le connaîtraient pas. Et j’ai trouvé assez intéressant la façon dont l’auteur met en scène le parcours de ce messager qui fait le tour des camps militaires tout en essayant d’esquiver les patrouilles adverses. On voit assez bien les paris faits sur le fait d’arriver à un endroit couvert avant la tombée de la nuit ou pas. L’orientation sur un terrain valonné, boisé et peu peuplé prend aussi très vite une allure de loterie. J’ai aussi apprécié la description de la vie de ces camps, où l’on voit que la population ne se limite pas à des soldats prêts au combat mais aussi à toute une kirielle de cuisinier, palefreniers et autres petites mains. Bref, sans atteindre la qualité d’un K. J. Parker dans le rendu de ces divers éléments, je trouve que Feist s’en sort pas mal. Dommage que je sois si peu convaincu par les derniers romans de son univers que j’ai lu.

Je fais ma dernière découverte de cette anthologie avec Threshold, un texte d’Elizabeth Haydon qui se passe sans le même cadre que sa série La symphonie des siècles. D’après l’introduction, ce texte se passerait longtemps avant la série en question. Et très franchement, je n’ai pas été emballé du tout. Je n’ai pas réussi à m’intéresser aux personnages, l’univers n’a pas su m’attirer plus que ça et hormis un petit retournement de situation vers la fin, je me suis globalement ennuyé en lisant ça. Bref, ça n’est pas cette nouvelle qui va me convaincre de m’intéresser aux oeuvres d’Haydon.

Je retourne après vers une plume que j’ai déjà fréquenté et un univers que je connais déjà avec The Monarch of the Glen, prolongement du très bon American Gods de Neil Gaiman. Si tous les textes précédents sont dérivés de séries de romans, celui-ci est dans la continuité d’un seul texte, même si Gaiman a depuis publié un autre roman dans le même contexte, Anansi Boys. On retrouve donc le personnage principal, Ombre, qui végète tranquillement dans un coin perdu de l’Écosse, jusqu’au moment où on lui fait une proposition de travail. Si le texte garde le côté un anecdotique propre à la plupart des nouvelles que l’on peut trouver dans une anthologie reposant sur l’exploration d’univers littéraires déjà existants, il est cependant bien agréable à lire.

Cette anthologie se termine avec Indomitable, un texte de Terry Brooks dans son univers Shannara. J’ai lu, il y a bien longtemps, L’épée de Shannara, premier roman de la série et je n’y plus retouché ayant trouvé que c’est un assez mauvais repompage du Seigneur des anneaux. Cette nouvelle a l’avantage de ne pas être une reprise d’un passage du grand classique de la fantasy, mais c’est à peu près tout ce que j’ai à en dire de positif. Pour le reste, le texte me confirme que j’ai bien fait de ne pas poursuivre la lecture de la série concernée.

Légendes de la fantasy (Legends II)
anthologie dirigée par Robert Silverberg
illustrations de Marc Simonetti
éditions J’ai Lu
environ 500 pages par volume (poche)

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