Les chaînes de l’avenir, de Philip K. Dick

Il y a un moment, je m’étais penché sur le premier roman publié de Philip K. Dick, Loterie solaire. J’avance un petit peu dans mon stock de bouquin de l’auteur en passant au roman suivant : Les chaînes de l’avenir.

Cussick travaille pour le gouvernement fédéral mondial qui contrôle la destinée de l’humanité depuis la fin d’un conflit mondial qui a provoqué l’émergence de mutants. Sa découverte d’un individu capable de prédire l’avenir va changer sa vie.

Comme le précédent, ce roman a bien les caractéristiques de son époque de publication : texte assez court, qui va à l’essentiel, mais qui donne parfois un petit peu la sensation d’avoir été écrit rapidement, sans réfléchir complètement à la structure du récit. Cela donne donc par moment l’impression que certains éléments ne sont pas développés autant qu’ils le pourraient. On retrouve aussi une vision de l’avenir avec un rapport à différents sujets qui peut faire sourire, comme les bars à drogue où l’on peut se commander de l’héroïne comme on demanderait un mojito.

L’élément central du récit, c’est Jones et son pouvoir, la capacité à voir l’avenir (dans un rayon temporel limité). J’ai trouvé l’approche intéressante et plutôt bien traitée. On voit comment le personnage utilise, ou pas, cette capacité et surtout on plonge dans la vision du monde de quelqu’un qui a déjà tout vu un an avant tout le monde. L’auteur pousse le sujet vers les origines de Jones, qui semble avoir eu conscience de l’avenir avant même sa naissance, voire sa conception. J’ai trouvé vraiment intéressant les passages qui s’intéressaient à son enfance, à sa découverte de sa particularité et ses réflexions sur le sujet.

Par contre, j’ai eu un peu de mal en terme de suspension d’incrédulité au niveau des réactions des autres personnages. Le fait que Jones puisse voir l’avenir a semblé désarmer complètement ses adversaires potentiels. On arrive quand même à des choses comme « Chef, on ne peut pas le retenir prisonnier, il a prédit qu’il sortirait librement dans une heure. » « Diantre, vous avez raison, on va devoir le relâcher. » J’ai vraiment la sensation que ces personnages abandonnaient directement tout idée de s’opposer à Jones parce que ce dernier prédisait leur défaite. Et si j’admets parfaitement que quelqu’un qui ferait la preuve rationnelle d’une capacité à voir le futur pourrait désarçonner sérieusement ses interlocuteurs, l’espèce humaine montre quand même en permanence que les gens sont parfaitement capables de penser et d’agir en allant contre des évidentes rationnelles. Mon cerveau ne pouvait donc s’empêcher de se dire régulièrement « mais si quelqu’un tenterait quand même un truc, ne serait-ce que pour essayer de contredire Jones. » Bref, cet aspect m’a vraiment gêné par moment dans ma lecture, parce que j’ai vraiment eu la sensation qu’on violait quelque chose d’assez fondamental dans la nature humaine.

Il y a toujours un petit côté amusant à lire des livres de science-fiction d’un certain âge. On peut voir tous les éléments que développe l’auteurice et qui ne cadre pas du tout avec ce que le fil du temps a finalement vu se dérouler. Les chaînes de l’avenir a été publié au milieu des années 1950, l’action se passe au début des années 2000 (il est question de 2002 plusieurs fois). On a donc eu une guerre mondiale, où l’on a apparemment combattu le communiste, qui réussissait à la fois à être athée et juif. Et de tout ça a émergé une société aux relents totalitaire reposant sur le relativisme. Les petits détails techniques de ce futur alternatif sont bien sûr en décalage avec notre réalité. Et j’aime assez bien voir tous ces petits trucs se manifester dans les textes de cette époque. On notera aussi que Jones a de claires ressemblances avec Hitler, un peu qui est carrément pointé dans le récit.

J’ai un moment pensé que le début de l’intrigue n’avait pas grand rapport avec le reste, un peu comme si l’auteur avait rapidement changé d’idée sur le récit qu’il voulait produire. Cependant, les wagons se raccrochent bien en cours de route et je trouve que tout ça est un peu plus cohérent que dans Loterie solaire. L’intrigue sur les mutants auraient peut-être pu carrément disparaître, mais Dick ménage un petit effet qui ne m’a pas déplu.

Au final, j’ai lu ce livre assez rapidement, du fait de son épaisseur et d’une écriture qui passe bien. Le thème de la prescience est bien traité, même si je ne suis pas d’accord avec la réaction des autres personnages à ce sujet.

Les chaînes de l’avenir (The World Jones Made)
de Philip K. Dick
traduit par Jacqueline Huet
éditions J’ai Lu
224 pages (poche)

disponible en numérique chez 7switch

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