L’Égypte des pharaons, de Damien Agut-Labordère & Juan Carlos Moreno-Garcia

J’ai parlé ici du premier volume d’une collection des éditions Belin consacrée à l’histoire de France. Ayant terminé cette collection, l’éditeur semble avoir eu l’idée de poursuivre avec des ouvrages du même type mais consacré à d’autres zones géographiques. Ainsi est née la collection Mondes anciens à laquelle je décide finalement de m’intéresser en commençant par un volume consacré à l’Égypte des pharaons.

Dès la couverture, on voit que l’ouvrage ambitionne de couvrir plus de trois mille ans d’histoire de l’Égypte, voilà un grand défi. Un pays a forcément connu nombre de changements et de mutations au cours d’un tel intervalle de temps. L’Égypte pharaonique n’est pas une entité monolithique et immuable et les auteurs le montrent bien.

Les auteurs commencent par présenter le contexte géographique concerné. On voit notamment à quoi ressemblait cette zone à l’époque, car un certain nombre de choses ont changé depuis. Ils insistent aussi, pour casser l’image de ce royaume hors du temps et de l’espace, l’idée d’une civilisation sans contact avec le reste du monde (une hypothèse parfois utilisé pour expliquer la durée de cette civilisation). Bien au contraire, dès le début de son histoire l’Égypte a des interactions avec ses voisins, y compris par le désert à l’ouest.

On voit ensuite comme s’est formé le royaume double, Haute et Basse Égypte, le rapprochement entre ces deux entités jusqu’à la gestion commune par un seul dirigeant (la double coiffe de pharaon). A chaque époque successive, les auteurs montrent de quelle façon les choses évoluent. Les changements dynastiques, les variations du périmètre du royaume : expansion, recul, division, réunion, etc. On voit bien les changements dans le pouvoir du pharaon et dans la gestion du pays et dans le mode de vie de sa population ainsi que ses échanges commerciaux.

Si les auteurs prennent soin au début de critiquer le découpage manéthonien classique en dynastie et en époque (Ancien Empire, Nouvel Empire, etc.), ils s’appuient néanmoins régulièrement dessus. D’une part, ce découpage n’est pas non plus sans refléter quelque réalité, d’autre part, cela permet de bien déconstruire quelques mythes et de montrer que certains changements ont été bien plus graduels qu’on ne l’imagine. Ils montrent aussi la façon dont le pouvoir pharaonique a changé de lieu et de forme. Ainsi, ils montrent que l’ère de Ramsès II parfois perçue comme le summum de la puissance égyptienne antique est en réalité déjà une période de déclin. Les auteurs n’hésitent pas non plus à pointer les éléments sur lesquels on en sait peu. Certaines époques et certains lieux présente de grosses lacunes en terme de sources et on nous rappelle aussi que la présence de certaines sources et l’absence d’autres peuvent créer des biais dans la compréhension des événements.

L’une des choses que j’ai beaucoup apprécié dans l’ouvrage, c’est d’apprendre plein de choses et de déconstruire quelques mythes que je connaissais. Ainsi, les auteurs balayent complètement l’invasion Hyksos… qui n’a jamais eu lieu. J’ai aussi vu avec beaucoup d’intérêt les passages sur les dynasties nubiennes, libyennes, etc. J’ignorais aussi tout de la gouvernance de l’Égypte sous les dominations assyrienne et perse. La succession des différents mécanismes de règne et d’administration du pays, avec une part variable des grands temples en fonction des époques, a été un sujet richement traité. Enfin, l’espace géopolitique au-delà du royaume n’est pas oublié et l’on voit des évolutions comme l’ascension des marchands phéniciens ou l’arrivée sur le marché de l’argent venu des mines d’Espagne.

Contrairement à la collection sur l’histoire de France, cette collection n’existe, pour le moment, qu’en un seul format : grand format à couverture souple. Cela représente un investissement pas négligeable mais je ne l’ai nullement regretté. Non seulement pour l’information que porte le texte mais aussi pour son illustration : plusieurs centaines d’objets, de monuments, etc. sont en pleine couleurs dans l’ouvrage. Cette richesse iconographique, d’aussi bon niveau que la collection sur l’histoire de France, accompagnée aussi de nombreux encarts présentant des sources, fait de ce livre un incontournable sur l’Égypte antique. Je compte bien continuer à parcourir cette collection qui compte déjà une dizaine de volumes et en annonce au moins six ou sept autres.

L’Égypte des pharaons
de Damien Agut-Labordère & Juan Carlos Moreno-Garcia
éditions Belin, collection Mondes anciens
794 pages, plus glossaire, chronologie, bibliographie & index (grand format)

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