Il y a quelques années, je suis tombé sur une bd intitulée Dans la tête de Sherlock Holmes. Aimant beaucoup le détective de Baker Street, il m’arrive de m’intéresser à l’une des innombrables œuvres écrites par d’autres que son créateur. Cette bande-dessinée m’avait bien plu et j’ai récemment décidé de la relire.
Le docteur Herbert Fowler, un collègue de Watson, est retrouvé errant dans la rue en chemise de nuit, sans aucun souvenir des événements qui l’ont conduit à cette situation. Il n’en faut pas plus pour piquer la curiosité de Sherlock Holmes qui s’engage aussitôt dans une enquête qui va dévoiler de bien sinistres machinations.
La bande-dessinée est un art visuel. Il ne s’agit donc pas seulement d’avoir un bon scénario, avec des personnages bien écrits, etc. Il faut aussi que l’aspect visuel suive. Et en particulier dans un projet qui ambitionne de faire plonger les lecteurices dans la tête de quelqu’un d’aussi particulier que Sherlock Holmes. Et je trouve qu’ici, c’est très réussi.
Tout le long des deux albums, on suit littéralement un fil du récit qui se matérialise dans toutes les pages et dont le détective se sert régulièrement. Cela conduit à des petits effets de mise en scène assez classique de la BD, avec un même personnage qui apparait plusieurs fois dans une même illustration, à plusieurs endroits différents. Et ça fonctionne très bien.
Les auteurs nous plongent dans la pensée de Sherlock Holmes, on ne peut donc pas faire l’économie d’une représentation graphique de l’intérieur de son esprit. On passe plusieurs fois littéralement dans sa tête, sous la forme d’un bâtiment, avec différentes pièces consacrées à l’archivage d’information, à l’analyse de données, etc. J’ai trouvé ça très chouette à suivre, avec plein de petits détails semés ici ou là.

Les deux volumes fourmillent aussi de situations où l’on voit comment Holmes repère et analyse les indices à sa portée. On assiste à la constitution d’un portrait robot, à une autopsie, etc. Là aussi, ça fonctionne très bien. On bénéficie aussi de quelques séquences d’action, car le locataire du 221B Baker Street n’est pas qu’un détective de salon, il lui arrive de devoir poursuivre quelqu’un voire de faire le coup de main.
Enfin, les auteurs ont aussi produit quelques petits passages où certains éléments de l’intrigue s’apprécient en regardant par transparence à travers la page ou bien en repliant deux pages côte à côte. C’est le genre de petites trouvailles qui s’appuient sur la physique même d’un album de bande dessinée que je trouve vraiment réjouissantes. Ça me rappelle un peu le magnifique Imbattable de Pascal Jousselin, une série que je compte bien chroniquer ici un jour, à l’occasion d’une relecture.
Du côté de l’intrigue, j’ai apprécié aussi ce que nous propose les auteurs. On part sur un récit assez long, puisqu’il rempli deux albums, avec pas mal de rebondissements. L’étrange situation du docteur Fowler est bien évidemment le prélude à une intrigue à tiroirs, avec quelques fausses pistes et déconvenues et au final la révélation d’un grand plan diabolique. L’idée de fond s’insère bien dans le contexte historique victorien.
Dans la tête de Sherlock Holmes est une série qui se base sur une vision et une mise en scène assez originale. Ceci lui donne un certain impact en première lecture. Mais est-ce que cela fonctionne encore à la relecture ? Dans mon cas, oui. J’ai refait tout le parcours avec plaisir, notant bien les petits détails semés ici ou là. J’ai retrouvé toute la brouette d’indices, tous numérotés et récapitulés plus loin, que proposent les auteurs. Et je me dis qu’il a dû y avoir un travail préparatoire fort long pour réaliser une telle aventure. Il me paraît peu probable que la réalisation du côté dessin ait vraiment pu commencer avant que toute l’intrigue n’ait été bien huilée et la plupart des effets de mise en scène choisis et organisés.
Ce fut donc une relecture très agréable. Je vais maintenant pouvoir attendre la prochaine aventure que nous promettent les auteurs, qui comptent bien remettre le couvert pour une nouvelle enquête en deux volumes . Je croise les doigts pour qu’ils réussissent à faire aussi bien.

Dans la tête de Sherlock Holmes – L’affaire du ticket scandaleux
écrit par Cyril Lieron & Benoit Dahan
dessiné par Benoit Dahan
éditions Ankama
deux volumes de 46 pages
Un superbe diptyque, je l’ai adoré aussi !